dimanche, mars 28, 2010

A qui apparient la dette ?




Est-il important de savoir à qui appartient la dette publique ?

La question agite de nombreux analystes. Il est vrai qu'avoir une dette publique majoritairement détenue à l'étranger peut poser des problèmes de souveraineté - un jour, l'Etat pourrait se trouver confronté à des pressions, et devoir accorder des concessions pour continuer à placer sa dette. C'est d'ailleurs déjà le cas, et pas nécessairement dans le mauvais sens : pour placer sa dette publique, la France est contrainte de démontrer un minimum de cohérence dans la gestion de ses déficits...

Faut-il s'inquiéter de voir notre dette publique détenue par des créanciers étrangers ? Si on entre dans cette logique, il faut aussi regarder à qui appartiennent nos actions, les usines qui font nos produits ou le pétrole de nos voitures... Autant facteurs de dépendance vis-à-vis d'autres pays. La science économique est d'ailleurs largement sur l'idée que les inconvénients d'une dépendance mutuelle sont inférieurs à ses bénéfices, même une fois pris en compte les coûts de transaction.

Si on remet cette idée en cause il faut le faire globalement. Et il est probable que l'on constate alors que la dépendance extérieure s'agissant du pétrole pose de problèmes que la dette : en effet, un Etat peut toujours lever dette publique en mobilisant l'épargne de ses concitoyens ou même répudier sa dette. Il est difficile d'en faire de même pour la consommation pétrolière !

dimanche, mars 21, 2010

Dette publique, croissance et relance

La dette publique française dépassera 86 % du PIB fin 2010 selon les estimations du gouvernement. Est-ce grave ?

Notons d'abord qu'une dette (c'est à dire l'argent dû par un Etat) ne pose de difficulté que si elle est supérieure aux actifs (c'est à dire l'argent qui peut être obtenu par ce même Etat). Autrement dit la question est moins celle du niveau de la dette que du niveau de "l'actif net public" (valeur des propriétés publiques - dette publique). Et malheureusement ce bilan est négatif


Source : Cour des Comptes

On peut évidement discuter de la méthodologie retenue (certains actifs tels que l'Arc de Triomphe ne sont probablement pas enregistrés à leur valeur de marché, c'est à dire la valeur qui pourrait être obtenue en les vendant aux enchères). On pourrait également noter que ce tableau ne comptabilise pas les actifs "immatériels" (c'est à dire, par exemple, la valeur de marché des connaissances scientifiques du pays).

C'est vrai, mais une chose est sure : en évolution, la croissance forte de la dette publique des années récente n'a eu aucune contrepartie en terme d'accélération des créations d'actifs, matériels ou immatériels.

Si l'on reprend les estimation de la Cour des Comptes, en supposant que la valeur des actifs n'a progressé que de l'inflation de 2008 à 2009, le bilan de la France s'est dégradé de plus de 100 milliards en 2009


Avec un taux d'intérêt moyen de 4 %, ces 123 milliards représentent une ponction stérile d'envrion 5 millards d'euros par an. Et c'est là que réside le premier problème économique de la dette : cette "ponction stérile" va peser sur l'activité car une partie de l'effort de la nation ne donnera aucun retour à ceux qui le réalisent mais sera ponctionné.

Notons cependant que la dette n'est pas le seul élément à pouvoir réaliser des "ponctions stériles" : après la seconde guerre mondiale, les ponctions à l'Allemagne (et dénoncées à l'époque par Keynes) au titre de la réparation des dommages de guerre ont eu un effet similaire. De la même façon, un état mal géré réalisera une ponction égale au montant de ses gaspillages.

Notons d'ailleurs que c'est probablement là que réside la principale "ponction stérile" dans la plupart des pays développés comme le montre un simple calcul d'ordres de grandeur pour la France :
  • avoir 30 % du PIB en actifs pour 80 % de dette réalise une "ponction stérile" de (80-30)x taux de 4 % = 2 % du PIB
  • les dommages de guerre payés par l'Allemagne ont représenté une ponction d'environ 3 % du PIB à l'époque

  • avoir 50 % du PIB en dépenses publiques et 10 % d'inefficacités réalise une "ponction stérile" de 50 % x 10 % = 5 % du PIB
Le 10 % d'inefficacités n'est pas pris au hasard : ainsi, les programmes de réduction des coûts d'achat dans le public permettent d'obtenir des gains de l'ordre de 20 %. Ce taux ne signifie pas qu'une partie des fonctionnaires ne font rien, mais plutôt que d'autres facteurs vont créer des conditions peu favorables à l'efficacité de leur action :
  • problèmes d'organisation (empilement de structure, manque de rigueur dans la clarification des rôles et responsabilités,...)
  • problèmes de cohérence dans le temps et l'espace des orientations fixées à leur action
  • déficit d'évaluation et de chiffrage préalable des programmes electoraux, lois et réglements
  • appui politique variable donné à l'efficacité de leur action par rapport à d'autres considérations

Un dernier effet négatif de la dette est indirect : une dette élevée va induire un risque élevé de "deleveraging", c'est à dire de réduction des dépenses ou des investissements afin de permettre une réduction de la dette. Or autant les phases d'augmentation de la dette accélèrent la croissance (les gens, les entreprises ou les états consomment plus qu'ils ne gagnent), autant les phases de réduction de la dette vont ralentir la croissance. Faire des économies pour réduire la dette est une bonne chose, mais le faire sans précautions pèsera sur la croissance : la vertu est bien mal récompensée à court terme !

A cet égard, le McKinsey Global Institute a publié une étude intéressante, qui quantifie ces effets par grands acteurs (ménages, entreprises, états) et par pays.