dimanche, novembre 19, 2006

Les nouveaux défis du secteur public

Le premier prototype de PC à 100 dollars arrive. Certes, il coûte encore 150 dollars soit 117 euros. Certes, certains critiquent ses performances (notamment au sein des grands monopoles du secteur informatique). Ils critiquent également le principe même que les enfants des pays en voie de développement puissent avoir besoin d’un tel outil. Mais sans entrer dans ces polémiques, il faut noter un fait : des millions de personnes pourraient, grâce à cet outil, disposer d’un accès à la connaissance (soit en accédant à des encyclopédies en ligne du type « Wikipedia », à des stocks de livre numérisés tels que ceux de Google Books, ou en accédant hors connexion à des copies de ces sites).

En France, où l’on affirme régulièrement l’accès à la culture pour tous, il suffirait de 60 millions par an pour doter tous les enfants d’un PC à 100 dollars – qu’il serait possible de financer grâce économies réalisées si cet outil servait aux familles dans leurs « télédéclarations » : la seule télédéclaration d’impôt faisant économiser plus de 20 euros par an à l’administration.

De plus en plus de collectivités proposer des services de « vélos à la carte », grâce auquel les usagers peuvent emprunter pour quelques euros un vélo sur une borne automatique, et le redéposer plus loin. Là encore, on peut débattre sur les détails de ce service comme son coût (1000 à 1500 euros par vélo et par an), ou ses modalités de gestion (des navettes en camion, souvent peu écologiques, sont nécessaires pour « équilibrer les flux de vélos », les usagers ayant tendance à partir des points hauts pour aller vers les points bas, et à revenir de leur shopping avec leurs paquets en transport en commun). Mais personne ne peut nier l’intérêt qu’il y ait à disposer d’un service de ce type, ni le rôle de la collectivité pour l’organiser, dès lors que cette dernière subventionne fortement les autres moyens de transports et cherche à orienter les usagers vers des modes de transports « propres ».

Ces deux initiatives mettent en évidence un nouveau défi pour l’administration : être capable d’innover, dans des conditions de coûts réalistes, et d’une façon qui répondent aux besoins du public. Actuellement, le secteur public est capable d’innover – il suffit pour s’en convaincre de consulter la listes des aides aux ménages ou aux entreprises, et de faire la liste des annonces des élus nationaux ou locaux. Même si son système comptable ne l’y pousse pas et si l’optimisation des coûts ne figurent pas au centre de la formation des cadres de la fonction publique (centrée sur les concours administratifs), le secteur est capable de produire des services à coûts raisonnables – c’est notamment le cas de la santé. Il sait également s'adapter aux besoins. Mais il est rare de voir des projets alliant l'innovation, la maitrise des couts et l'adaptation aux besoins – l’exemple le plus flagrant étant la réponse au problème du chômage.

Pour que celà soit plus souvent le cas, il faudrait plusieurs choses :

- d’abord, organiser une concurrence « sur les résultats » plutôt que sur la "capacité à durer" pour l’accès aux fonctions de décision. Il est en effet difficile d’innover dans un monopole, ce que constitue le système du parti poussé à son extrême. Il est difficile de disposer d’une classe politique diversifiée si l’accès aux candidatures est déterminé par la capacité à abandonner toute autre activité pour se consacrer aux rouages internes d’une section ou d’un parti. Il s’agit là d’un équilibre complexe : on ne gère un état ni comme un parti, ni comme une administration, ni comme une entreprise – mais ne le gère pas non plus de façon correcte si l’un de ces trois éléments dysfonctionne ;

- ensuite, il faut faire évoluer les formations publiques, et renoncer au gaspillage que constitue la concentration quasi exclusive des moyens de formation publique à la préparation aux concours – qui privilégient une approche conceptuelle et centralisée aux détriments de la capacité à exécuter et à faire exécuter des objectifs en tenant compte des besoins (notamment ceux que seuls l'agent de base peut identifier) ;

- en arrêtant de séparer les rôles d’exécution (souvent jugés secondaires) et les rôles « nobles » de régulation ou d’administration. Il est impossible d’innover dans un système centralisé, dans lequel quelques-uns se partagent l’information, l’analyse et la décision, et les autres doivent exécuter ou administrer. Si les mots ont un sens, alors le fait que les fonctions les plus prestigieuses du secteur public soient celles d’inspecteur, d'auditeur, de conseiller ou d’administrateur doit nous interroger !

- en organisant un mouvement massif de décentralisation et de transparence, afin de rapprocher la décision des besoins et de donner une transparence plus forte au coût réel des promesses et des réalisations. Celà suppose un effort massif de formation, de cohérence (notamment en tranchant les responsabilités entre les différents niveaux de collectivités, ce qui n'empêche pas certaines d'entre elles de se regrouper en "syndics" pour réaliser les tâches qu'elles jugent appropriées en commun), et une évolution du mode de contrôle (qui allie actuellement un controle a priori impossible à réaliser, et des audits à posteriori relativement généralistes et centrés sur des vérifications juridiques) ;


Enfin, à l'heure des annonces de "rupture", il faudrait surtout rompre avec les annonces : dès lors que les personnalités politiques seront jugées sur les annonces (qui alimentent leur plan média) plutôt que sur les résultats, il le sera impossible de mettre en oeuvre des réformes inspirées par un principe d'une triste banalité : ne dire ce que l'on fera, faire tout ce que l'on a dit.

samedi, novembre 11, 2006

Einstein, la starlette et le modèle français

« Si nous pouvions avoir ensemble un enfant avec ma beauté et votre intelligence… » disait une starlette à Albert Einstein. « Oui, mais que ferions nous si c’était le contraire ? » aurait-il répondu. En effet, croiser deux modèles est toujours un pari !

Il en va de même en matière de modèles sociaux. Certes, dans bien des domaines, les administrations ne se comparent pas assez entre elles, avec le secteur privé ou avec leurs homologues étrangers, et les comparaisons réalisées par la Commission Européenne, l’OCDE ou par les expatriés du Cercle d’Outre Manche apportent des informations qui doivent être lues avec intérêt, même lorsqu’on ne partage pas les conclusions qu’elles étayent. Mais à calquer rapidement certaines caractéristiques d’un modèle étranger, ou sans tenir compte des différences de contexte, on risque fort d’en importer les inconvénients sans en bénéficier des avantages.

Prenons un exemple. Les Etats-Unis redistribuent peu (et contrairement à une idée reçue sur le rêve américain, les riches y restent riches et les pauvres y restent pauvres). Ils ont un grand nombre d’immigrés (notamment dans la recherche). Ils ont également une croissance forte. Ils présentent enfin des inégalités (cf annexe) et une insécurité nettement plus élevés qu’en France (7150 prisonniers et 43 meurtres annuels par million d’habitants contre 950 prisonniers et 17 meutres en France). On pourrait affirmer que c’est la faiblesse de la redistribution qui crée la croissance, et choisir « d’importer le modèle américain » en baissant fortement le niveau d’imposition et d’allocations chômage … pour finir avec une croissance toujours aussi faible, et un niveau d’inégalité et d’insécurité à l’américaine – et comprendre alors que la croissance américaine trouvait sa source ailleurs (par exemple dans le dynamisme liée aux chercheurs étrangers).

De la même façon, on pourrait souhaiter s’inspirer du modèle britannique en matière de chômage pour résoudre le problème de la faiblesse de l’emploi en France … à condition de bien comprendre l’origine de la baisse du chômage en Grande Bretagne : est-elle liée à la politique monétaire britannique ? aux emplois publics créés par Blair ? aux mécanismes de workfare (job centers) ? à la faiblesse des allocations chômages (aucun droit en cas de patrimoine supérieur à 8.000 livres) ? au fait que la langue anglaise et la plaque d’influence britannique (Inde et Chine) permettent de bénéficier de la croissance mondiale et de la mondialisation plus facilement que la langue française ? La réponse n’est pas évidente, et elle doit évidemment être analysée avant de reprendre l’une ou l’autre de ces caractéristiques…

Notons que les emplois créés sont avant tout des emplois à temps partiel (ce qui n'est pas dégradant en soi, mais mérite d'être signalé).

(cliquer pour grossir le graphique)


Notons que l’impact de la flexibilité, souvent invoqué, est pour le moins contesté, notamment par l’OCDE : ainsi dans les Perspectives de l’Emploi 2004, affirme-t-elle que “ l’impact de la réglementation du travail sur le niveau de chômage et sur l’emploi est ambigu (…) ”. Notons également que le nombre de travailleurs handicapés a progressé au Royaume-Uni de plus de 2 millions depuis les années 1980. Notons également que la démographie française a été très différente. Signalons que de 1992 à 2000, le Royaume-Uni, dispensé de la convergence vers les critères de Maastricht, a eu une croissance forte et a amélioré sa position relative par rapport à la France. Enfin, le nombre de personnes sous le seuil de pauvreté est bien inférieur en France (6,5 % contre 17 % au Royaume-Uni, soit plus que l’Indonésie, autant que la Pologne et un peu moins que la Russie) selon le CIA World Factbook, qui n’est pas édité par une ONG gauchisante.

Autrement dit, et comme l’a appris la starlette citée en introduction, tout est relatif...

Annexe : classement des pays du monde en fonction de la fraction de la population vivant sous le seuil de pauvreté (Source : CIA World Factbook, liste citée par NationMaster)

#1 Zambia: 86 %
#2 Gaza Strip: 81 %
#3 Zimbabwe: 80 %
#4 Chad: 80 %
#5 Moldova: 80 %
#6 Haiti: 80 %
#7 Liberia: 80 %
#8 Guatemala: 75 %
#9 Suriname: 70 %
#10 Angola: 70 %
#11 Mozambique: 70 %
#12 Swaziland: 69 %
#13 Sierra Leone: 68 %
#14 Burundi: 68 %
#15 Tajikistan: 64 %
#16 Bolivia: 64 %
#17 Mali: 64 %
#18 Niger: 63 %
#19 Rwanda: 60 %
#20 Comoros: 60 %
#21 Nigeria: 60 %
#22 Turkmenistan: 58 %
#23 Malawi: 55 %
#24 São Tomé and Príncipe: 54 %
#25 Georgia: 54 %
#26 Senegal: 54 %
#27 Peru: 54 %
#28 Honduras: 53 %
#29 Afghanistan: 53 %
#30 Madagascar: 50 %
#31 Kenya: 50 %
#32 Ethiopia: 50 %
#33 Nicaragua: 50 %
#34 South Africa: 50 %
#35 Djibouti: 50 %
#36 Eritrea: 50 %
#37 Colombia: 49.2 %
#38 Lesotho: 49 %
#39 Azerbaijan: 49 %
#40 Cameroon: 48 %
#41 Venezuela: 47 %
#42 West Bank: 46 %
#43 Yemen: 45.2 %
#44 Bangladesh: 45 %
#45 Burkina Faso: 45 %
#46 Armenia: 43 %
#47 East Timor: 42 %
#48 Ecuador: 41 %
#49 Kyrgyzstan: 40 %
#50 Cambodia: 40 %
#51 Mauritania: 40 %
#52 Guinea: 40 %
#53 Sudan: 40 %
#54 Mexico: 40 %
#55 Philippines: 40 %
#56 Iran: 40 %
#57 Argentina: 38.5 %
#58 Papua New Guinea: 37 %
#59 Côte d'Ivoire: 37 %
#60 Panama: 37 %
#61 Mongolia: 36.1 %
#62 El Salvador: 36.1 %
#63 Tanzania: 36 %
#64 Uganda: 35 %
#65 Laos: 34 %
#66 Belize: 33 %
#67 Benin: 33 %
#68 Togo: 32 %
#69 Grenada: 32 %
#70 Paraguay: 32 %
#71 Pakistan: 32 %
#72 Ghana: 31.4 %
#73 Nepal: 31 %
#74 Botswana: 30.3 %
#75 Serbia and Montenegro: 30 %
#76 Cape Verde: 30 %
#77 Jordan: 30 %
#78 Dominica: 30 %
#79 Macedonia, Republic of: 29.6 %
#80 Ukraine: 29 %
#81 Uzbekistan: 28 %
#82 Lebanon: 28 %
#83 Belarus: 27.1 %
#84 Micronesia, Federated States of: 26.7 %
#85 Fiji: 25.5 %
#86 Algeria: 25 %
#87 Burma: 25 %
#88 Romania: 25 %
#89 India: 25 %
#90 Albania: 25 %
#91 Dominican Republic: 25 %
#92 Bosnia and Herzegovina: 25 %
#93 Guam: 23 %
#94 Anguilla: 23 %
#95 Uruguay: 22 %
#96 Brazil: 22 %
#97 Sri Lanka: 22 %
#98 Israel: 21 %
#99 Trinidad and Tobago: 21 %
#100 Egypt: 20 %
#101 Turkey: 20 %
#102 Syria: 20 %
#103 Vietnam: 19.5 %
#104 Jamaica: 19.1 %
#105 Kazakhstan: 19 %
#106 Bermuda: 19 %
#107 Morocco: 19 %
#108 Chile: 18.2 %
#109 Costa Rica: 18 %
#110 Russia: 17.8 %
#111 Poland: 17 %
#112 United Kingdom: 17 %
#113 Indonesia: 16.7 %
#114 Canada: 15.9 %
#115 Korea, South: 15 %
#116 Bulgaria: 13.4 %
#117 United States: 12 %
#118 Croatia: 11 %
#119 Thailand: 10 %
#120 Ireland: 10 %
#121 China: 10 %
#122 Mauritius: 10 %
#123 Bahamas, The: 9.3 %
#124 Hungary: 8.6 %
#125 Malaysia: 8 %
#126 Tunisia: 7.4 %
#127 France: 6.5 %
#128 Austria: 5.9 %
#129 Belgium: 4 %
#130 Taiwan: 0.9 %

dimanche, novembre 05, 2006

Mille milliards de dollars : la mesure des incohérences du développement chinois

Comme le rapporte The Economist, la Chine a dépassé le seuil de mille milliards de dollars de réserves de change. Ce qui signifie que la Chine possède cette somme en monnaie (dollars essentiellement, plus sous la forme de titres de dette que de liasses de billets). Et cette 'cagnotte' grossit chaque mois de 16 milliards de dollars.


Pour présenter les choses d'une façon simple, prenons un modèle simple dans lequel le reste du monde se réduit à la France (qui exporte des airbus) et échange avec la Chine (qui produit des t-shirt). La situation actuelle signifie qu'à chaque fois que la Chine achète un Airbus à 200 millions de dollars, elle nous donne en contrepartie 50 millions de t-shirts à 6 dollars, en nous proposant de nous payer la différence sous forme de monnaie (soit 100 millions ici).



Normalement, ces écarts se réglent par un ajustement du taux de change : selon les estimations du ministère des finances, il faudrait augmenter le yuan d'un tiers pour atteindre un taux d'équilibre, ce qui signifie dans l'exemple ci-dessus de faire passer le t-shirt de 6 à 8 euros. A ce prix, les Chinois demanderaient moins d'Airbus et les Européens moins de T-Shirts chinois. Si l'on intégre l'ensemble des produits échangés par la Chine, l'accumulation de réserves de change serait alors stoppée. Au fur et à mesure du développement de la productivité chinoise, le yuan devrait d'ailleurs poursuivre sa hausse jusqu'au jour où un t-shirt chinois vaudra en France à peu près ce qu'il coûterait à faire chez nous.


Résumons la situation :


- pour des raisons qui lui sont propres (nous y reviendrons), la Chine accepte d'etre payée en partie en monnaie, ce qui permet de maintenir des prix inférieurs d'environ un tiers à ce qu'ils devraient être


- cette situation induit un double choc dans les secteurs concurrencés par les exports chinois : non seulement la Chine possède une main d'oeuvre rurale qui coûte peu au regard du salaire moyen chinois, mais en plus elle nous la "vend" avec 30 % de réduction


- autrement dit, pour deux ouvrier chinois dans le textile qui "travaille pour nous", un troisième le fait gratuitement (c'est en dire en contrepartie d'une monnaie, qui vaudra moins le jour où les chinois en "voudront pour leur argent" et souhaiteront rétablir l'équilibre commercial).

Nous sommes évidemment en présence d'une "bulle" : un prix (celui des produits chinois) est grossièrement distordu, ce qui fait la fortune de certains - ceux qui peuvent faire produire en Chine et vendre en Europe - et la ruine de ceux qui sont dans la situation opposée. Comme dans toute bulle, il est possible de la présumer, plus difficile d'en estimer l'ampleur exacte et encore plus difficile d'en estimer la date et les conditions de fin. Nous en sommes à la fois les bénéficiaires du point de vue commercial (plus de t-shirts que ce à quoi nos airbus nous donneraient droit), et les victimes pour ceux qui se trouvent confronté au "double choc" des exports chinois.

Quelques mots sur les raisons politique de cette accumulation de réserves de change. Selon les informations que m'indiquait un spécialiste de ces questions, la raison tiendrait à la volonté de responsables politiques de de maintenir des débouchés suffisants pour éviter une crise induite par l'exode rural chinois : autrement dit, il faut du travail aux ouvriers chinois, quitte à ce que qu'un sur trois travaille « pour rien ». En effet la situation actuelle présente pour la Chine l'avantage de la simplicité (il suffit d'accepter toute la monnaie qui afflue en contrepartie de l'écoulement de la production chinoise).

Pour mettre davantage en évidence l'absurde de la situation actuelle, notons que la Chine aurait pu retenir une option "keynésienne", plus visible, mais à peu près équivalente : remonter de 30 % le prix du yuan, et demander à un tiers des ouvriers de creuser des trous le matin, et de les reboucher le soir. Cette deuxième option semble absurde, mais la première l'est tout autant (avec une absurdité cachée derrière la complexité des mécanismes de change). Une option alternative aurait consisté pour la Chine à adopter une stratégie de demande intérieure : remonter le taux de change, et trouver des missions utiles (santé, environnement, enfance, loisirs, qualité de vie...) auxquelles affecter les "troisièmes ouvriers" plutôt que de les voir travailler pour d'autres pays pour rien.



Autrement dit, derrière l'incohérence du taux de change se trouve une incohérence en termes de développement (trop de candidats au travail ouvrier, une structure d'emplois trop orientée vers les besoins occidentaux mais pas assez vers les besoins des chinois, une insuffisance des services publics de la santé et du social, et une plus grande facilité à cacher ce problème par l'exportation qu'à l'affronter et à la résoudre pour des moyens internes).

Quoiqu'il en soit, la situation actuelle d'accumulation des réserves de change n'est pas tenable à très long terme, même s'il existe des réservoirs de paysans chinois mal payés suffisamment large, et même si le système politique chinois est suffisamment centralisé pour supporter longtemps une telle aberration. Notons cependant que nous serions de mauvaise foi de reprocher aux chinois d'avoir des politiques de subventions opaques et aberrantes pour assurer la paix intérieure : le problème de la Chine est moins d'avoir ses incohérences (avant de blâmer la Chine, pensons à ce que nos politiques agricoles ou industrielles ont pu infliger au tiers monde), que d'avoir une taille telle que leurs efforts pour réduire leurs incohérences en interne créent des aubaines et des drames chez nous.

vendredi, novembre 03, 2006

Mondialisation sociale : un pas de géant, dans un silence assourdissant

La confédération syndicale internationale vient de voir le jour, réunissant 360 syndicats issus de 150 pays et représentant environ 190 millions de salariés. Dans l’indifférence générale, ou presque.

Qui en France pourrait pourtant contester l’intérêt d’une telle confédération, qui permettra de donner corps à un "monde social", d’accélérer la progression du pouvoir d’achat et des conditions de travail dans les pays à bas salaires, et de donner une contrepartie sociale à la mondialisation des marchés de biens et de capitaux ?

PeuPeu de métiers, et peu de catégories socio-professionnelles pourraient ne pas saluer cette création, à l’heure où ne sont épargnés ni les services informatiques (délocalisés en Inde), ni les services financiers haut de gamme (une grande banque anglo-saxonne a récemment annoncé la création de centaines de postes dans le même pays dans la réalisation de produits financiers dits ’structurés’ sophistiqués), ni les services de santé (de plus en plus de patients vont se faire opérer dans les pays à bas salaires notamment pour la chirurgie esthétique ou dentaire, et les cliniques américaines font déjà réaliserréaliser une partie des analyses radiologiques en Inde), ni les services de vieillesse (il existe un statut fiscal spécifique pour les retraités européen qui se font verser leur retraite au Maroc), ni même les services publics (les guichets d’information par téléphone sont pour certains externalisés à l’étranger).

La classe politique a, étonnamment, peu parlé de l’évènement. Certes, la création d’une telle organisation ne rélève pas, à proprement parler, de leurs prérogatives ou de leurs projets (voir cependant cet ouvrage, page 193). Mais on aurait aimé que les voix, nombreuses lorsqu’il faut réagir à un drame social, le soient tout autant pour accueillir la naissance d’une initiative aussi salutaire. Tout au moins aurait-on pu attendre quelques encouragements aux centrales syndicales françaises (CGT, CFDT, FO et CFTC) qui ont adhéré ensemble à cette initiative - la gauche aurait pu y voir une alliance salutaire des forces sociales, et la droite une union qui, cette fois, ne serait pas fait contre un programme gouvernemental. Mais non : rien !

On aurait pu attendre que la patronat s’en félicite : en effet, quels meilleurs alliés peuvent-ils trouver dans la recherche d’une compétition "non faussée" avec les pays émergents - une augmentation des cotisations et des salaires dans les pays à bas salaires aurait le même effet que la baisse des charges qu’ils invoquent régulièrement. Et pourtant, rien non plus de ce coté-là.

Un peu comme si ce silence venait confirmer une réalité dérangeante : trop concentrés sur leurs débats franco-français, nos décideurs voient le monde leur échapper - autant dans ce qu’il a de pire que dans ce qu’il a de meilleur...