samedi, juin 10, 2006

Comment financer un programme présidentiel ?

La publication du projet socialiste a entraîné un certain nombre de commentaires sur son financement, certains pertinents, d’autres moins.

D’abord, notons que la plupart des mesures d’un programme laissent généralement – à gauche comme à droite – un flou suffisamment large pour laisser la voie à des estimations qui varient du simple au triple. Ainsi une « allocations pour les jeunes » peut varier de 300 euros par mois si cette allocation est basée sur le RMI, à 1200 euros si elle se rapproche du SMIC. Lors de la précédente campagne, le CIVIS devait remplacer les emplois-jeunes – en réalité, le premier touche un public infiniment plus étroit que le second, ce qui se serait lu immédiatement si cet engagement avait été accompagné d’un chiffrage.

Ensuite, il faut rappeler que l’évolution « normale » des finances publiques génère des marges de manœuvre du fait que les impôts encaissés varient comme le PIB (par exemple, + 4,5 % par an avec 2 % d’inflation et 2,5 % de croissance), alors que les dépenses peuvent évoluer moins vite (le pouvoir d’achat des salaires stagne actuellement, et les dépenses de l’Etat peuvent être contenues au niveau de l’inflation, voir en-dessous). Cet « effet de ciseau » est d’autant plus possible qu’on se situe en phase de départ en retraits importants (qui permet de gérer plus facilement les réallocations de postes des secteurs excédentaires, tels que les finances et le ministère de l’intérieur, respectivement impactés par l’effet de l’informatisation et de la décentralisation, vers les secteurs qui en manquent, comme par exemple la justice, l’inspection du travail ou l’accompagnement des demandeurs d’emploi). Au total, il n’est pas irréaliste de compter sur environ 2 points de PIB de marges de manœuvre, si la croissance est au rendez-vous.

Par ailleurs, il faut noter qu’il existe un gisement important d’économie au sein du secteur public, qui peut être mobilisé à plusieurs conditions :

- d’abord, y mettre le temps et la volonté suffisante : ces économies ne sont pas sous la forme de « tas d’or » oubliés de tous (quoique le patrimoine de la banque de France offre des surprises), mais sous la forme d’amélioration du fonctionnement, de simplifications ou de tri dans les objectifs fixés aux services publics. Pour cette raisons, les seuls réformes qui réussissent à percer, comme la Lolf (au-delà de ce que peut être son application), sont portées à la fois par la gauche et la droite. A l’inverse, les « réformes » pensées comme un élément de communication d’un ministre n’ont aucune chance de réussir, soit parce que l’attention qui leur st accordée ne durera qu’un temps, soit qu’elles soient contrebalancées par un foisonnement d’initiatives (par ex : http://www.cyber-budget.fr/) au rapport coût/intérêt pour le moins questionnables. Elle traduisent également ;

- ensuite, commencer par traiter le problème principal, qui est celui des chefs : il est inutile de charger les fonctionnaires d’indicateurs et de rapports si one ne commence pas par faire un tri dans leurs missions, et si ces missions ne sont pas stabilisées. Dans ce domaine également, la logique d’action s’opposent (fois trois missions correctement plutôt qu’en annoncer dix et en réaliser – mal - cinq) ;

- donner les moyens aux agents de réaliser les dits économies, ce qui signifie souvent donner du temps, de la confiance, et investir (de la formation ou des outils).

Quelques mots sur les opérations portant sur le patrimoine : en soi une vente de patrimoine immobilier (poussées par la droite) ou un achat de titres d’entreprises (proposé pour EDF par la gauche) ne coûtent rien aux contribuables. Pour savoir ce qu’ils coûtent il faut se demander si l’Etat a un avantage à être propriétaire (ce n’est pas le cas pour un immeuble inutilisé ou coûteux, mais c’est généralement le cas autrement) ou actionnaire (EDF évolue sur un marché de toutes façons très régulé et peu concurrentiel, et il fixe une partie des prix – donc du résultat de l’entreprise).

Il faut également prendre en compte le fait que l’Etat à un « coût du capital » (ie, le prix auquel il paye sa dette) très inférieur à celui du privé. Or les prix d’achats intègrent la valeur future, donc le coût du capital de l’acheteur : l’Etat n’a d’intérêt à vendre que dans les cas où le privé gèrerait mieux que lui (c’est le cas dans les secteurs à forte innovation comme les télécommunication). Notons également qu’il ne faut pas être leurré par une logique comptable : ce n’est pas parce que les comptes de la Caisse des Dépôts ne sont pas inclus dans les comptes publics, que l’on peut considérer comme sans impact ce qu’elle achète ou qu’elle vend !

En revanche, pour les raisons indiquées ci-dessus, il est vrai que ce n’est pas le montant de ces opérations qui doit être pris en compte, mais ce que l’Etat gagnera (ou perdra) à en être le gestionnaire. Le même type de questions devrait être posée lors des privatisations : entre les frais d’introduction, les actions gratuites distribuées ou les éventuelles concessions en contrepartie d’une privatisations, l’Etat peut tout à fait perdre de l’argent en privatisant.

Je ne reviendrais pas sur la dette, qui doit être considérée dans une conception large (http://www.debat2007.fr/blog/index.php?2006/06/08/91-gestion-de-la-dette-changer-de-paradigme-pour-assurer-l-equite-entre-generations), qui comprend à la fois les charges futures de retraite, mais également la valeur des actifs publics.

Terminons en rappelant ce à quoi doit servir le chiffrage d’un projet : évidemment pas à choisir le programme le « moins cher » - ce qui reviendrait à considérer l’élection présidentielle en une sorte d’enchère inversée dans laquelle les candidats achèteraient les votes des français avec leur propre argent. Mais plutôt à confirmer la cohérence des programmes : on ne peut pas promettre de multiplier les dépenses et de réduire la dette. On ne peut pas non plus promettre de réduire la dette, les impôts et une « flex-sécurité » à la danoise – pays qui dépense 50 % de plus que la France en matière d’accompagnement des demandeurs d’emploi pour un chômage très inférieur. Le chiffrage sert aussi à préciser la nature des engagements – une aide aux jeunes à 3 milliards d’euros annuels, ce n’est pas la même chose qu’une aide à 50 millions d’euros…

Finalement un débat sur le chiffrage, s’il est conduit sur des bases pertinentes, peut forcer les candidats à être plus précis sur la nature même de ce qu’ils proposent. Et il serait aussi absurde de refuser de prendre en compte le coût des programmes que de ne regarder que les coûts, sans examiner en quoi ces programmes répondent aux problèmes sociaux et économiques qui sont ceux de la France.

Comment identifier les secteurs économiques de demain

O Boulga publie sur son blog un article qui propose une méthologie pour aider le décideur public à trouver les secteurs économiques "à aider". L'étude est intéressante d'un point de vue théorique. Comme il est impossible de juger un article théorique sans etre un spécialiste du champ, je me garderais bien d'un jugement théorique.

En revanche d'un point de vue pratique, une remarque : le probleme que visé le décideur public est similaire au probleme du "gestionnaire de portefeuille" qui veut tenter d'identifier les actions qui "coutent" moins cher à acheter (ici, les entreprise les moins chere à aider, par exemple par emploi implanté), sachant qu'il est entouré de gens qui veulent faire la même chose. Or dans le domaine de la planification économique, on est également handicapé par un grand retard des donnés (les données boursieres sont normalisées et en temps réel, ls données économiques régionales le sont rarement !).

Au total :

- les méthode "mécaniques", dont celle consistant à acheter les titres qui montent (ici, aider les "gazelles" ou les secteurs qui se développent) ont en général un effet proche de zéro (voir négatif car d'autres font la même chose ce qui conduit à un surinvestissement dans les secteurs à la mode) - quelle que soit la séduction qu'exercent ces "recettes miracles" du style "pour gagner en bourse c'est facile j'achete les titre qui vont monter et je vend ceux qui vont baisser"

- le gestionnaire moyen (ici, la planificateur économique moyen) fait moins bien qu'un tir à pile ou face (ici qu'une distribution systématique ou aléatoire des aides)

- quelques individus doués arrivent à battre le marché, sans que l'on sache jamais s'ils sont des chanceux ou des doués.

A mon avis le mieux qu'on puisse faire dans ce domaine est déjà:

- de faire une meilleure coordination natioanle en évitant la compétition territoriale par les aides ;

- de mise sur le capital-risque, un métier dont l'objet est précisément de résoudre le "paradigme de l'investisseur" - et aucun modèle mécanique ne fera durable mieux, viser sur l'application de la recherche, ou sur les secteurs qui n'apparaissent sur aucune statistique (économies d'énergie par exemple)

- d'investir l'argent public dans les politiques publiques qui visent à l'amélioration des outils qui sont dans le champ de compétence régalien (formation, matching offre/demande d'emploi et aides aux chercheurs d'emploi [www.supprimerlecjomage.org]

jeudi, juin 01, 2006

Gestion de la dette : changer de paradigme pour assurer l'équité entre générations

1. Une dette élevée, mais qui peut être réduite avec les bons outils


La dette publique atteint fin 2005 un niveau de 65,8 % du PIB (soit 1. 117 milliards d'euros ou environ 18.000 euros par français). Cette dette n'a été réduite qu'une seule fois : de 1997 à 2001 (en passant de 58,5 % à 56,2 % du PIB) – fin 2002, elle était déjà revenue à 58,2 % du PIB. Le gouvernement prévoit une stabilisation à 66 % fin 2006 – mais dans la mesure où les annonces précédentes n'ont pas été tenues, cet objectif est totalement indicatif. Il est donc probable que la dette représente les deux tiers du PIB au moment des élections.

Ce qui est en cause, c'est bien sûr le niveau de la dette, mais c'est également une façon de gérer les finances publiques : dans ce domaine également [1], il nous faut « changer de paradigme ». En effet, le débat sur la dette, tel qu'il est actuellement pratiqué , est totalement faussé :

- il ne porte que sur le niveau total de la dette, alors qu'il ignore la valeur des actifs de l'Etat : avec une telle vision l'Etat peut brader son patrimoine (autoroutes, EDF,…) en vendant 100 ce qui vaut 200, tout en donnant l'impression d'améliorer la situation des finances publiques (qui feront apparaître la produit des ventes d'actifs publics, mais pas la valeur de ce qui a été abandonné en contrepartie) ou réduire la dette par des artifices (montages financiers ou « soultes » d'établissements publics) ;



- il ne contient pas d'analyse sur ce qui est, au fond, le plus important : l'équilibre financier entre générations. En effet, ce qui compte vraiment, c'est que les générations actuelles laissent aux générations futures un « deal » équilibré – ce que ne serait pas une dette zéro, mais des retraites sous-financées, un patrimoine publique dilapidé et des services publics exsangues et à recapitaliser d'urgence


2. Proposition : auditer, débattre puis réduire les « engagements publics »


La dette publique est un indicateur important du niveau des engagements que cette génération laissera aux générations suivantes. Mais se focaliser ainsi sur la dette seule légitimerait une gestion calamiteuse, comme par exemple :

- vendre dans l'urgence et à prix cassés le patrimoine public (comme EDF – dont l'action a été vendue 32 euros par l'Etat alors qu'elle valait 50 % de plus 6 mois plus tard – ou comme les autoroutes ou les aéroports, vendus une fraction de leur valeur) ;

- multiplier les montages financiers complexes qui transféreront la dette au privé, ce qui coûtera cher à l'Etat (il paye la dette nettement moins cher que le privé) et dégradera les dépenses de fonctionnement sans améliorer le service public ;

- forcer la collectivité à louer là où elle pourrait faire des économies en étant propriétaire et, plus généralement, à augmenter les charges de fonctionnement publiques là où l'Etat pourrait investir pour réduire ses coûts ;

- s'interdire d'investir pour l'avenir, même lorsque cet investissement laisse aux générations futures un bilan largement positif (effort pour l'éducation, achat de scanners ou d'équipements de traitement des cancers par rayonnement dans les hôpitaux…) ;

- sous-investir dans des dépenses même modestes qui réduiraient la pollution, ou augmenteraient l'espérance de vie ;

- traiter de la même façon l'Etat et les collectivités, alors que ces dernières ont souvent un patrimoine 5 ou 6 fois plus important que le niveau de leur dette.

Cette conception est celle d'une gestion court-termiste, qui fait passer la communication sur un ou deux indicateurs avant le souci de la bonne gestion. Cette stratégie conduit toujours à des déceptions et au gaspillage de l'argent public. C'est l'opposé exact de ce qu'il faut faire. Pour gérer correctement les finances publiques il faudrait plutôt :


- procéder à l'arrivée au gouvernement à un audit des « engagements publics » (définis comme : dette + engagements futurs notamment de retraite – valeur du patrimoine, des actifs publics et des investissements pour l'avenir), et à produire avant fin 2007 un rapport qui fera l'objet d'un débat public sur le point de départ ;

- procéder à un audit similaire, qui donnera lieu à un débat similaire en 2012, afin d'organiser un débat sur son bilan de mandat. Ce bilan porterait à la fois sur la dette publique, le patrimoine public, les programmes d'investissements, les dépenses pour l'avenir ainsi que sur les équilibres économiques et sociaux entre générations.

- s'engager à réduire le niveau des « engagements publics » (dette – valeur des actifs et dépenses ur l'avenir).