dimanche, décembre 24, 2006

Le capitalisme des Champs Elysées

Qui est l’auteur de la citations suivante : "Nous ne devons pas laisser le marché s'autoréguler. Les politiques doivent intervenir". Le porte-parole de la gauche anticapitaliste ? Un universitaire marxiste ? Non. Il s’agit - selon Le Monde du 24 décembre - du président de la filiale française d'un groupe anglosaxon de distribution de produits culturels, dans un article qui explique comment la hausse des loyers sur les Champs Elysées chasse progressivement libraires, cinémas et bistrots au bénéfice des magasins d'habillement.

Passons rapidement sur le fait que, selon Le Figaro du 15 juin, le même président demandait une plus grande liberté pour les commerçant en matière d’ouverture le dimanche : « Il faut laisser la liberté aux commerçants. Il y a des tas d'ouvertures sauvages le dimanche. L'hypocrisie administrative est totale !». On retrouve là une conception bien française – mais également pratiquée dans de nombreux pays – de l’économie de marché qui peut se définir par quelques principes. Premier principe : plus d’aides aux entreprises, mais moins d’impôts. Deuxième principe : moins de formalités dans le code du travail, mais plus de réglementations pour réduire la concurrence. Troisième principe : les prix doivent être libres, mais pas les loyers.

Pour revenir sur les Champs Elysées, la contradiction posée en introduction illustre également la « tragédie des communes » - ou comment l’application pure de la loi du marché peut finir par tuer le marché. Explication : chaque propriétaire des Champs Elysées a intérêt à ce que l’avenue reste attrayante : les gens y vont pour voir l’Arc de Triomphe ou l’obélisque de la Concorde, mais aussi pour les cinémas, pour prendre un verre ou – pour prendre un exemple plus personnel - pour acheter le dimanche un livre d’économie au Virgin Mégastore.

Or les magasins de textile ne génèrent pas d’afflux de clientèle, mais ils exploitent celle qui se rend par milliers sur la « plus belle avenue du monde ». Pour la même raison, plusieurs marques y ont installé des « show rooms » : Renault, Citroën, Peugeot, Nike ou bientôt Nespresso. Parce que cette exploitation est très rentable, ils peuvent proposer des loyers élevés. Tellement élevés qu’ils peuvent finir par chasser des Champs une partie de ceux qui faisaient que « si on ne sait pas quoi faire, on va faire un tour sur les Champs ».

Les commerces qui attirent les visiteurs sur les Champs devraient pouvoir bénéficier d’une partie des revenus de ceux qui profitent de l’afflux de clientèle. Ce n’est pas le cas. Le risque est alors le suivant : que les commerces attirants disparaissent, et que les Champs Elysées perdent peu à peu leur image – chaque propriétaire ayant pourtant intérêt à ce qu’existent des commerces plus attirants mais moins rentables, mais aucun n’ayant intérêt à perdre une partie de ses revenus en lui louant ses murs : des cinémas oui, mais chez les autres !

Le ministre du Commerce propose que les villes puissent acheter des fonds de commerce pour accueillir des cinémas – c’est à que la collectivité occupe le rôle de celle qui perd de l’argent pour que les autres en gagnent. Il vaudrait mieux pouvoir mettre en place une taxe d’un genre nouveau, qui permette de taxer les commerces qui utilisent les flux de visiteurs sans en générer eux-même, et qui financerait une subvention aux lieux qui attirent le plus.

Ces éléments pourraient, par exemple, être intégrés dans le calcul des bases de taxes foncières pour les lieux touristiques – dans le cadre de l’inévitable réforme des taxes locales. Dans le cas des Champs Elysées, le premier bénéficiaire serait le propriétaire des lieux qui attirent le plus –l’Arc de Triomphe et la Concorde – c'est-à-dire la collectivité.

dimanche, décembre 03, 2006

Le retour des droits de douane : protectionnisme ou défense du modèle social ?

« C'est ainsi que le droit de douane annule délibérément l'effet de ce qu'on appelle le progrès, qu'il prétend nous ramener à l'état où le monde se trouvait lorsque les transports étaient sinon impossibles, du moins extrêmement onéreux. Un droit de douane disait Bastiat, c'est un antichemin de fer." (J. Rueff, 1980)

Les droits de douane ont mauvaise presse auprès des économistes, qui y voient des outils utilisés pour protéger certains secteurs économiques contre « l’invasion de produits étrangers », avec un coût disproportionnellement élevé, mais invisible, pour les consommateurs – la collectivité dans son ensemble étant globalement perdante, seuls les secteurs ainsi protégés étant gagnants.

Ainsi le célèbre magazine The Economist a-t-il été créé par James Wilson pour faire campagne contre les lois sur le blé (« Corn Laws »), votées pour empêcher le blé étranger d’entrer en Grande Bretagne en dessous d’un certain prix.

Plus récemment, Paul Krugman citait une anecdote que l’on pourrait adapter de la façon suivante : imaginez un chef d’entreprise textile du nord de la France qui invente une machine miraculeuse : les camions de tissu arrivent à l’usine, en ressortent des palettes de chemises, mais grâce à un procédé secret, le coût de production des chemises est dix fois inférieur à ce qui se faisait jusqu’à présent en France. Immédiatement, l’inventeur ferait la une des journaux, et deviendrait un « champion national » qui permettra à la France de tailler des croupières à l’Inde et à la Chine – et qui démontre au passage que l’ingéniosité française peut vaincre la force brute des bas salaires. Imaginez maintenant qu’un journaliste plus curieux que les autres montre que la « machine miraculeuse » est en fait un entrepôt, duquel partent discrètement des convois qui expédient le textile en Chine, et ramènent des chemises. Le héros serait alors immédiatement honni et rabaissé au rang des délocaliseurs.

En partant de cette anecdote, on pourrait conclure que si l’on décidait de taxer les importations dans le second cas, il faudrait aussi taxer l’innovation à chaque fois qu’elle permet de réduire les coûts dans le premier cas. On démontrerait ainsi par l’absurde qu’il n’y a pas de sens de taxer les importations, clore le débat sur les droits de douane et le ramener au débat sur le modèle social : si la France peut avoir des chemises moins cher sans que cela ne nuisent autrement qu’à ceux qui savent produire des chemises trop chères, la seule question n’est-elle pas de réussir à trouver un emploi aussi acceptable pour les salariés et plus utile la société que la production de chemises hors de prix ?

Procéder ainsi reviendrait cependant à ignorer une nuance de taille : si certains « droits de douane » visent à protéger un intérêt particulier (un secteur mis en concurrence) aux détriments du pouvoir d’achat de tous, d’autres droits de douane peuvent avoir un objectif plus conforme à l’intérêt général.

C’est le cas avec la proposition de « taxe sur le carbone importé », qui vise à faire payer sous forme d’une taxe les coûts de dépollution qu’auraient du payer les entreprises des pays qui n’ont pas de réglementation sur les émissions – afin d’éviter une concurrence déloyale avec les entreprises qui appliquent ces réglementations. Le « droit » qu’il s’agirait d’appliquer aux produits venant de pays ne respectant pas ces normes aurait pour effet non pas de protéger indûment un secteur économique structurellement non compétitif, mais à priver d’un avantage indu un concurrent dont la compétitivité se fait aux détriments de l’environnement (ce qui n’empêche d’ailleurs pas ce concurrent de l’emporter, s’il dispose d’autres avantages concurrentiels que celui consistant à polluer sans en payer les coûts).

Là où le message envoyé par les « anciens droits de douane » était « mes produits plutôt que les vôtres », le message adressé par ces « nouveaux droits » est « vos produits ou les miens peu importe, mais si vous ne dépensez pas ce qu’il faut pour respecter mes normes environnementales, je vous taxerai à hauteur de ce que vous auriez du payer ». Le premier message tend à l’autarcie, le deuxième tend vers une mondialisation responsable.

On peut retrouver cette logique derrière les « droits de douane sociaux »(évoqués dans ce rapport), qui visent à faire payer « des charges sociales » sur les importations. En effet, selon le niveau fixé à cette taxe, il peut compenser l’avantage indû dont bénéficient les pays qui font travailler dans des conditions de durée du travail, de sous formation, de représentation des salariés ou de santé indignes. Accompagnés par un effort pour accompagner les syndicats des pays partenaires dans leurs revendications (et aller progressivement vers la disparition des « droits sociaux »), ces taxes sont nettement moins contestables que les « droits de douane à l’ancienne ». Si l’on pense qu’il peut (ou qu’il doit) exister un modèle social européenne, c’est d’ailleurs au niveau européenne que de tels droits devraient être étudiés.

Derrière cette questions on voit d’ailleurs pointer le principal problème de la construction européenne : les importations de biens et de services importent indirectement un modèle social. Si on souhaite disposer en Europe d’un modèle différent de celui de nos partenaires (moins inégal, plus soucieux des salariés dans la gestion des adaptations économiques et de la précarité, et plus généreux en termes de droits), il faut aller au-delà de la libre circulation des biens et services.

Avant de pousser plus avant l’analyse économique des ces « nouveaux droits de douane », il faut cependant trancher un débat politique qui peut être résumé en deux questions : Comment voulons nous trancher l’arbitrage entre gains économiques (apportés par les baisses de prix induits par la concurrence et les échanges internationaux) et modèle social (niveau de protection, niveau d’inégalité, accompagnement des adaptations économiques) ? Quels moyens et quels outils sommes-nous prêts à y consacrer ?

Reste ensuite l'essentiel : engager une discussion constructive avec nos partenaires économiques et associer ce projet à une politique ambitieuse d'aide au développement afin de convaincre nos partenaires qu'un tel dispositif ne constitue pas une mesure protectionniste mais, au contraire, une mesure favorable à une mondialisation plus humaine.

dimanche, novembre 19, 2006

Les nouveaux défis du secteur public

Le premier prototype de PC à 100 dollars arrive. Certes, il coûte encore 150 dollars soit 117 euros. Certes, certains critiquent ses performances (notamment au sein des grands monopoles du secteur informatique). Ils critiquent également le principe même que les enfants des pays en voie de développement puissent avoir besoin d’un tel outil. Mais sans entrer dans ces polémiques, il faut noter un fait : des millions de personnes pourraient, grâce à cet outil, disposer d’un accès à la connaissance (soit en accédant à des encyclopédies en ligne du type « Wikipedia », à des stocks de livre numérisés tels que ceux de Google Books, ou en accédant hors connexion à des copies de ces sites).

En France, où l’on affirme régulièrement l’accès à la culture pour tous, il suffirait de 60 millions par an pour doter tous les enfants d’un PC à 100 dollars – qu’il serait possible de financer grâce économies réalisées si cet outil servait aux familles dans leurs « télédéclarations » : la seule télédéclaration d’impôt faisant économiser plus de 20 euros par an à l’administration.

De plus en plus de collectivités proposer des services de « vélos à la carte », grâce auquel les usagers peuvent emprunter pour quelques euros un vélo sur une borne automatique, et le redéposer plus loin. Là encore, on peut débattre sur les détails de ce service comme son coût (1000 à 1500 euros par vélo et par an), ou ses modalités de gestion (des navettes en camion, souvent peu écologiques, sont nécessaires pour « équilibrer les flux de vélos », les usagers ayant tendance à partir des points hauts pour aller vers les points bas, et à revenir de leur shopping avec leurs paquets en transport en commun). Mais personne ne peut nier l’intérêt qu’il y ait à disposer d’un service de ce type, ni le rôle de la collectivité pour l’organiser, dès lors que cette dernière subventionne fortement les autres moyens de transports et cherche à orienter les usagers vers des modes de transports « propres ».

Ces deux initiatives mettent en évidence un nouveau défi pour l’administration : être capable d’innover, dans des conditions de coûts réalistes, et d’une façon qui répondent aux besoins du public. Actuellement, le secteur public est capable d’innover – il suffit pour s’en convaincre de consulter la listes des aides aux ménages ou aux entreprises, et de faire la liste des annonces des élus nationaux ou locaux. Même si son système comptable ne l’y pousse pas et si l’optimisation des coûts ne figurent pas au centre de la formation des cadres de la fonction publique (centrée sur les concours administratifs), le secteur est capable de produire des services à coûts raisonnables – c’est notamment le cas de la santé. Il sait également s'adapter aux besoins. Mais il est rare de voir des projets alliant l'innovation, la maitrise des couts et l'adaptation aux besoins – l’exemple le plus flagrant étant la réponse au problème du chômage.

Pour que celà soit plus souvent le cas, il faudrait plusieurs choses :

- d’abord, organiser une concurrence « sur les résultats » plutôt que sur la "capacité à durer" pour l’accès aux fonctions de décision. Il est en effet difficile d’innover dans un monopole, ce que constitue le système du parti poussé à son extrême. Il est difficile de disposer d’une classe politique diversifiée si l’accès aux candidatures est déterminé par la capacité à abandonner toute autre activité pour se consacrer aux rouages internes d’une section ou d’un parti. Il s’agit là d’un équilibre complexe : on ne gère un état ni comme un parti, ni comme une administration, ni comme une entreprise – mais ne le gère pas non plus de façon correcte si l’un de ces trois éléments dysfonctionne ;

- ensuite, il faut faire évoluer les formations publiques, et renoncer au gaspillage que constitue la concentration quasi exclusive des moyens de formation publique à la préparation aux concours – qui privilégient une approche conceptuelle et centralisée aux détriments de la capacité à exécuter et à faire exécuter des objectifs en tenant compte des besoins (notamment ceux que seuls l'agent de base peut identifier) ;

- en arrêtant de séparer les rôles d’exécution (souvent jugés secondaires) et les rôles « nobles » de régulation ou d’administration. Il est impossible d’innover dans un système centralisé, dans lequel quelques-uns se partagent l’information, l’analyse et la décision, et les autres doivent exécuter ou administrer. Si les mots ont un sens, alors le fait que les fonctions les plus prestigieuses du secteur public soient celles d’inspecteur, d'auditeur, de conseiller ou d’administrateur doit nous interroger !

- en organisant un mouvement massif de décentralisation et de transparence, afin de rapprocher la décision des besoins et de donner une transparence plus forte au coût réel des promesses et des réalisations. Celà suppose un effort massif de formation, de cohérence (notamment en tranchant les responsabilités entre les différents niveaux de collectivités, ce qui n'empêche pas certaines d'entre elles de se regrouper en "syndics" pour réaliser les tâches qu'elles jugent appropriées en commun), et une évolution du mode de contrôle (qui allie actuellement un controle a priori impossible à réaliser, et des audits à posteriori relativement généralistes et centrés sur des vérifications juridiques) ;


Enfin, à l'heure des annonces de "rupture", il faudrait surtout rompre avec les annonces : dès lors que les personnalités politiques seront jugées sur les annonces (qui alimentent leur plan média) plutôt que sur les résultats, il le sera impossible de mettre en oeuvre des réformes inspirées par un principe d'une triste banalité : ne dire ce que l'on fera, faire tout ce que l'on a dit.

samedi, novembre 11, 2006

Einstein, la starlette et le modèle français

« Si nous pouvions avoir ensemble un enfant avec ma beauté et votre intelligence… » disait une starlette à Albert Einstein. « Oui, mais que ferions nous si c’était le contraire ? » aurait-il répondu. En effet, croiser deux modèles est toujours un pari !

Il en va de même en matière de modèles sociaux. Certes, dans bien des domaines, les administrations ne se comparent pas assez entre elles, avec le secteur privé ou avec leurs homologues étrangers, et les comparaisons réalisées par la Commission Européenne, l’OCDE ou par les expatriés du Cercle d’Outre Manche apportent des informations qui doivent être lues avec intérêt, même lorsqu’on ne partage pas les conclusions qu’elles étayent. Mais à calquer rapidement certaines caractéristiques d’un modèle étranger, ou sans tenir compte des différences de contexte, on risque fort d’en importer les inconvénients sans en bénéficier des avantages.

Prenons un exemple. Les Etats-Unis redistribuent peu (et contrairement à une idée reçue sur le rêve américain, les riches y restent riches et les pauvres y restent pauvres). Ils ont un grand nombre d’immigrés (notamment dans la recherche). Ils ont également une croissance forte. Ils présentent enfin des inégalités (cf annexe) et une insécurité nettement plus élevés qu’en France (7150 prisonniers et 43 meurtres annuels par million d’habitants contre 950 prisonniers et 17 meutres en France). On pourrait affirmer que c’est la faiblesse de la redistribution qui crée la croissance, et choisir « d’importer le modèle américain » en baissant fortement le niveau d’imposition et d’allocations chômage … pour finir avec une croissance toujours aussi faible, et un niveau d’inégalité et d’insécurité à l’américaine – et comprendre alors que la croissance américaine trouvait sa source ailleurs (par exemple dans le dynamisme liée aux chercheurs étrangers).

De la même façon, on pourrait souhaiter s’inspirer du modèle britannique en matière de chômage pour résoudre le problème de la faiblesse de l’emploi en France … à condition de bien comprendre l’origine de la baisse du chômage en Grande Bretagne : est-elle liée à la politique monétaire britannique ? aux emplois publics créés par Blair ? aux mécanismes de workfare (job centers) ? à la faiblesse des allocations chômages (aucun droit en cas de patrimoine supérieur à 8.000 livres) ? au fait que la langue anglaise et la plaque d’influence britannique (Inde et Chine) permettent de bénéficier de la croissance mondiale et de la mondialisation plus facilement que la langue française ? La réponse n’est pas évidente, et elle doit évidemment être analysée avant de reprendre l’une ou l’autre de ces caractéristiques…

Notons que les emplois créés sont avant tout des emplois à temps partiel (ce qui n'est pas dégradant en soi, mais mérite d'être signalé).

(cliquer pour grossir le graphique)


Notons que l’impact de la flexibilité, souvent invoqué, est pour le moins contesté, notamment par l’OCDE : ainsi dans les Perspectives de l’Emploi 2004, affirme-t-elle que “ l’impact de la réglementation du travail sur le niveau de chômage et sur l’emploi est ambigu (…) ”. Notons également que le nombre de travailleurs handicapés a progressé au Royaume-Uni de plus de 2 millions depuis les années 1980. Notons également que la démographie française a été très différente. Signalons que de 1992 à 2000, le Royaume-Uni, dispensé de la convergence vers les critères de Maastricht, a eu une croissance forte et a amélioré sa position relative par rapport à la France. Enfin, le nombre de personnes sous le seuil de pauvreté est bien inférieur en France (6,5 % contre 17 % au Royaume-Uni, soit plus que l’Indonésie, autant que la Pologne et un peu moins que la Russie) selon le CIA World Factbook, qui n’est pas édité par une ONG gauchisante.

Autrement dit, et comme l’a appris la starlette citée en introduction, tout est relatif...

Annexe : classement des pays du monde en fonction de la fraction de la population vivant sous le seuil de pauvreté (Source : CIA World Factbook, liste citée par NationMaster)

#1 Zambia: 86 %
#2 Gaza Strip: 81 %
#3 Zimbabwe: 80 %
#4 Chad: 80 %
#5 Moldova: 80 %
#6 Haiti: 80 %
#7 Liberia: 80 %
#8 Guatemala: 75 %
#9 Suriname: 70 %
#10 Angola: 70 %
#11 Mozambique: 70 %
#12 Swaziland: 69 %
#13 Sierra Leone: 68 %
#14 Burundi: 68 %
#15 Tajikistan: 64 %
#16 Bolivia: 64 %
#17 Mali: 64 %
#18 Niger: 63 %
#19 Rwanda: 60 %
#20 Comoros: 60 %
#21 Nigeria: 60 %
#22 Turkmenistan: 58 %
#23 Malawi: 55 %
#24 São Tomé and Príncipe: 54 %
#25 Georgia: 54 %
#26 Senegal: 54 %
#27 Peru: 54 %
#28 Honduras: 53 %
#29 Afghanistan: 53 %
#30 Madagascar: 50 %
#31 Kenya: 50 %
#32 Ethiopia: 50 %
#33 Nicaragua: 50 %
#34 South Africa: 50 %
#35 Djibouti: 50 %
#36 Eritrea: 50 %
#37 Colombia: 49.2 %
#38 Lesotho: 49 %
#39 Azerbaijan: 49 %
#40 Cameroon: 48 %
#41 Venezuela: 47 %
#42 West Bank: 46 %
#43 Yemen: 45.2 %
#44 Bangladesh: 45 %
#45 Burkina Faso: 45 %
#46 Armenia: 43 %
#47 East Timor: 42 %
#48 Ecuador: 41 %
#49 Kyrgyzstan: 40 %
#50 Cambodia: 40 %
#51 Mauritania: 40 %
#52 Guinea: 40 %
#53 Sudan: 40 %
#54 Mexico: 40 %
#55 Philippines: 40 %
#56 Iran: 40 %
#57 Argentina: 38.5 %
#58 Papua New Guinea: 37 %
#59 Côte d'Ivoire: 37 %
#60 Panama: 37 %
#61 Mongolia: 36.1 %
#62 El Salvador: 36.1 %
#63 Tanzania: 36 %
#64 Uganda: 35 %
#65 Laos: 34 %
#66 Belize: 33 %
#67 Benin: 33 %
#68 Togo: 32 %
#69 Grenada: 32 %
#70 Paraguay: 32 %
#71 Pakistan: 32 %
#72 Ghana: 31.4 %
#73 Nepal: 31 %
#74 Botswana: 30.3 %
#75 Serbia and Montenegro: 30 %
#76 Cape Verde: 30 %
#77 Jordan: 30 %
#78 Dominica: 30 %
#79 Macedonia, Republic of: 29.6 %
#80 Ukraine: 29 %
#81 Uzbekistan: 28 %
#82 Lebanon: 28 %
#83 Belarus: 27.1 %
#84 Micronesia, Federated States of: 26.7 %
#85 Fiji: 25.5 %
#86 Algeria: 25 %
#87 Burma: 25 %
#88 Romania: 25 %
#89 India: 25 %
#90 Albania: 25 %
#91 Dominican Republic: 25 %
#92 Bosnia and Herzegovina: 25 %
#93 Guam: 23 %
#94 Anguilla: 23 %
#95 Uruguay: 22 %
#96 Brazil: 22 %
#97 Sri Lanka: 22 %
#98 Israel: 21 %
#99 Trinidad and Tobago: 21 %
#100 Egypt: 20 %
#101 Turkey: 20 %
#102 Syria: 20 %
#103 Vietnam: 19.5 %
#104 Jamaica: 19.1 %
#105 Kazakhstan: 19 %
#106 Bermuda: 19 %
#107 Morocco: 19 %
#108 Chile: 18.2 %
#109 Costa Rica: 18 %
#110 Russia: 17.8 %
#111 Poland: 17 %
#112 United Kingdom: 17 %
#113 Indonesia: 16.7 %
#114 Canada: 15.9 %
#115 Korea, South: 15 %
#116 Bulgaria: 13.4 %
#117 United States: 12 %
#118 Croatia: 11 %
#119 Thailand: 10 %
#120 Ireland: 10 %
#121 China: 10 %
#122 Mauritius: 10 %
#123 Bahamas, The: 9.3 %
#124 Hungary: 8.6 %
#125 Malaysia: 8 %
#126 Tunisia: 7.4 %
#127 France: 6.5 %
#128 Austria: 5.9 %
#129 Belgium: 4 %
#130 Taiwan: 0.9 %

dimanche, novembre 05, 2006

Mille milliards de dollars : la mesure des incohérences du développement chinois

Comme le rapporte The Economist, la Chine a dépassé le seuil de mille milliards de dollars de réserves de change. Ce qui signifie que la Chine possède cette somme en monnaie (dollars essentiellement, plus sous la forme de titres de dette que de liasses de billets). Et cette 'cagnotte' grossit chaque mois de 16 milliards de dollars.


Pour présenter les choses d'une façon simple, prenons un modèle simple dans lequel le reste du monde se réduit à la France (qui exporte des airbus) et échange avec la Chine (qui produit des t-shirt). La situation actuelle signifie qu'à chaque fois que la Chine achète un Airbus à 200 millions de dollars, elle nous donne en contrepartie 50 millions de t-shirts à 6 dollars, en nous proposant de nous payer la différence sous forme de monnaie (soit 100 millions ici).



Normalement, ces écarts se réglent par un ajustement du taux de change : selon les estimations du ministère des finances, il faudrait augmenter le yuan d'un tiers pour atteindre un taux d'équilibre, ce qui signifie dans l'exemple ci-dessus de faire passer le t-shirt de 6 à 8 euros. A ce prix, les Chinois demanderaient moins d'Airbus et les Européens moins de T-Shirts chinois. Si l'on intégre l'ensemble des produits échangés par la Chine, l'accumulation de réserves de change serait alors stoppée. Au fur et à mesure du développement de la productivité chinoise, le yuan devrait d'ailleurs poursuivre sa hausse jusqu'au jour où un t-shirt chinois vaudra en France à peu près ce qu'il coûterait à faire chez nous.


Résumons la situation :


- pour des raisons qui lui sont propres (nous y reviendrons), la Chine accepte d'etre payée en partie en monnaie, ce qui permet de maintenir des prix inférieurs d'environ un tiers à ce qu'ils devraient être


- cette situation induit un double choc dans les secteurs concurrencés par les exports chinois : non seulement la Chine possède une main d'oeuvre rurale qui coûte peu au regard du salaire moyen chinois, mais en plus elle nous la "vend" avec 30 % de réduction


- autrement dit, pour deux ouvrier chinois dans le textile qui "travaille pour nous", un troisième le fait gratuitement (c'est en dire en contrepartie d'une monnaie, qui vaudra moins le jour où les chinois en "voudront pour leur argent" et souhaiteront rétablir l'équilibre commercial).

Nous sommes évidemment en présence d'une "bulle" : un prix (celui des produits chinois) est grossièrement distordu, ce qui fait la fortune de certains - ceux qui peuvent faire produire en Chine et vendre en Europe - et la ruine de ceux qui sont dans la situation opposée. Comme dans toute bulle, il est possible de la présumer, plus difficile d'en estimer l'ampleur exacte et encore plus difficile d'en estimer la date et les conditions de fin. Nous en sommes à la fois les bénéficiaires du point de vue commercial (plus de t-shirts que ce à quoi nos airbus nous donneraient droit), et les victimes pour ceux qui se trouvent confronté au "double choc" des exports chinois.

Quelques mots sur les raisons politique de cette accumulation de réserves de change. Selon les informations que m'indiquait un spécialiste de ces questions, la raison tiendrait à la volonté de responsables politiques de de maintenir des débouchés suffisants pour éviter une crise induite par l'exode rural chinois : autrement dit, il faut du travail aux ouvriers chinois, quitte à ce que qu'un sur trois travaille « pour rien ». En effet la situation actuelle présente pour la Chine l'avantage de la simplicité (il suffit d'accepter toute la monnaie qui afflue en contrepartie de l'écoulement de la production chinoise).

Pour mettre davantage en évidence l'absurde de la situation actuelle, notons que la Chine aurait pu retenir une option "keynésienne", plus visible, mais à peu près équivalente : remonter de 30 % le prix du yuan, et demander à un tiers des ouvriers de creuser des trous le matin, et de les reboucher le soir. Cette deuxième option semble absurde, mais la première l'est tout autant (avec une absurdité cachée derrière la complexité des mécanismes de change). Une option alternative aurait consisté pour la Chine à adopter une stratégie de demande intérieure : remonter le taux de change, et trouver des missions utiles (santé, environnement, enfance, loisirs, qualité de vie...) auxquelles affecter les "troisièmes ouvriers" plutôt que de les voir travailler pour d'autres pays pour rien.



Autrement dit, derrière l'incohérence du taux de change se trouve une incohérence en termes de développement (trop de candidats au travail ouvrier, une structure d'emplois trop orientée vers les besoins occidentaux mais pas assez vers les besoins des chinois, une insuffisance des services publics de la santé et du social, et une plus grande facilité à cacher ce problème par l'exportation qu'à l'affronter et à la résoudre pour des moyens internes).

Quoiqu'il en soit, la situation actuelle d'accumulation des réserves de change n'est pas tenable à très long terme, même s'il existe des réservoirs de paysans chinois mal payés suffisamment large, et même si le système politique chinois est suffisamment centralisé pour supporter longtemps une telle aberration. Notons cependant que nous serions de mauvaise foi de reprocher aux chinois d'avoir des politiques de subventions opaques et aberrantes pour assurer la paix intérieure : le problème de la Chine est moins d'avoir ses incohérences (avant de blâmer la Chine, pensons à ce que nos politiques agricoles ou industrielles ont pu infliger au tiers monde), que d'avoir une taille telle que leurs efforts pour réduire leurs incohérences en interne créent des aubaines et des drames chez nous.

vendredi, novembre 03, 2006

Mondialisation sociale : un pas de géant, dans un silence assourdissant

La confédération syndicale internationale vient de voir le jour, réunissant 360 syndicats issus de 150 pays et représentant environ 190 millions de salariés. Dans l’indifférence générale, ou presque.

Qui en France pourrait pourtant contester l’intérêt d’une telle confédération, qui permettra de donner corps à un "monde social", d’accélérer la progression du pouvoir d’achat et des conditions de travail dans les pays à bas salaires, et de donner une contrepartie sociale à la mondialisation des marchés de biens et de capitaux ?

PeuPeu de métiers, et peu de catégories socio-professionnelles pourraient ne pas saluer cette création, à l’heure où ne sont épargnés ni les services informatiques (délocalisés en Inde), ni les services financiers haut de gamme (une grande banque anglo-saxonne a récemment annoncé la création de centaines de postes dans le même pays dans la réalisation de produits financiers dits ’structurés’ sophistiqués), ni les services de santé (de plus en plus de patients vont se faire opérer dans les pays à bas salaires notamment pour la chirurgie esthétique ou dentaire, et les cliniques américaines font déjà réaliserréaliser une partie des analyses radiologiques en Inde), ni les services de vieillesse (il existe un statut fiscal spécifique pour les retraités européen qui se font verser leur retraite au Maroc), ni même les services publics (les guichets d’information par téléphone sont pour certains externalisés à l’étranger).

La classe politique a, étonnamment, peu parlé de l’évènement. Certes, la création d’une telle organisation ne rélève pas, à proprement parler, de leurs prérogatives ou de leurs projets (voir cependant cet ouvrage, page 193). Mais on aurait aimé que les voix, nombreuses lorsqu’il faut réagir à un drame social, le soient tout autant pour accueillir la naissance d’une initiative aussi salutaire. Tout au moins aurait-on pu attendre quelques encouragements aux centrales syndicales françaises (CGT, CFDT, FO et CFTC) qui ont adhéré ensemble à cette initiative - la gauche aurait pu y voir une alliance salutaire des forces sociales, et la droite une union qui, cette fois, ne serait pas fait contre un programme gouvernemental. Mais non : rien !

On aurait pu attendre que la patronat s’en félicite : en effet, quels meilleurs alliés peuvent-ils trouver dans la recherche d’une compétition "non faussée" avec les pays émergents - une augmentation des cotisations et des salaires dans les pays à bas salaires aurait le même effet que la baisse des charges qu’ils invoquent régulièrement. Et pourtant, rien non plus de ce coté-là.

Un peu comme si ce silence venait confirmer une réalité dérangeante : trop concentrés sur leurs débats franco-français, nos décideurs voient le monde leur échapper - autant dans ce qu’il a de pire que dans ce qu’il a de meilleur...

dimanche, octobre 15, 2006

Le paradoxe de la crémière

La plupart des analyses sur la compétitivité prennent en compte sur le coût de notre système social sans en intégrer les contreparties. Les visions qu’elles induisent font également preuve de myopie : plutôt que de regarder devant, elles lorgnent vers le bas (comme si la réduction des charges sociales pouvait réduire un écart salarial de 95 % qui sépare la France de la Chine) ou vers l’arrière (comme si l’aide de l’Etat aux succès industriels d’hier pouvait préparer les réussites futures).

Or il est faux que les dépenses publiques s’inscrivent au passif de « l’entreprise France » sans rien apporter en contrepartie. C’est ce que montrent les études qui comparent de façon sérieuse le coût d’installation dans différents pays développés. La plus récente, réalisée par KPMG , place la France en seconde position derrière le Canada, notamment du fait des salaires relativement modérés (car les salariés bénéficient d’une protection sociale peu coûteuse) et de la qualité des infrastructures.

La place de la France n’est donc pas si dramatiques comparée aux pays développés. Il en va différemment face à des pays tels que l’Inde ou la Chine : leurs coûts salariaux sont une fraction des nôtres, alors qu’ils peuvent désormais égaler notre niveau de qualification . Ils ne se limitent plus au textile ou aux matières premières, mais également de l’électronique grand public, des logiciels ou de la recherche et développement. L’Inde gagne des marchés dans l’informatique comme dans des industries capitalistiques comme l’acier, dans lesquelles le coût du travail compte peu. La Chine a racheté à IBM l’activité qui avait créé le « PC ». Capable de produire presque tout, ces pays nous vendront plus cher leurs exportations et consommeront plus de matières premières, entraînant leur prix à la hausse et notre pouvoir d’achat à la baisse.

Dans ce contexte, les stratégies basées sur la défense d’une grandeur passée sont vouées à l'échec : les entreprises seront compétitives non pas en raison de ce qu'elles produisent, mais en fonction de leur capacité à évoluer pour rester inégalables. Le nationalisme économique est également condamné : pour être compétitives les entreprises doivent pouvoir disposer des meilleurs fournisseurs. Autrement dit, pour être compétitifs à l'export, il faut être compétitif à l’import.
Il est pourtant nécessaire de construire un modèle social généreux. D’abord pour un motif démocratique : garantir que les évolutions à venir ne bénéficient pas à une minorité aux détriments de la majorité. Ensuite pour une raison économique : notre compétitivité étant liée à notre capacité à nous adapter, ces adaptations doivent être accompagnées.

Mais la générosité de ce modèle ne peut plus, comme à présent, viser la défense de la stabilité des postes et des statuts –garantir une fraction du dernier salaire en oubliant l’accompagnement vers un futur emploi, traiter mieux les hauts fonctionnaires que les agents de base, les salariés de grands groupes que les salariés des PME ou les indépendants. Au contraire, notre générosité doit viser la recherche du meilleur emploi, c'est à dire l'identification pour chacun du meilleur compromis possible entre ce qu'il veut, ce qu'il peut et les différentes possibilités que pourraient lui offrir le marché du travail, au besoin après une formation . Le beurre (le modèle social) et l’argent du beurre (la compétitivité), ou rien : tel est le « paradoxe de la crémière ».

lundi, août 28, 2006

Changer de paradigme pour une autre politique de l'emploi.

Pour bien appréhender les évolutions de l'emploi, il faut comprendre que ces évolutions résultent de la différence entre les emplois qui se créent, et des emplois qui sont détruits : alors que le nombre d'emplois crées une année donnée est – les meilleurs années - de l'ordre de 400.000, le nombre d'emplois crées ou détruits est plus proche de 2 à 3 millions.



On pourrait être tenté d'en déduire que la lutte contre le chômage passe par une accélération des créations (par des aides, des emplois aidés dans le secteur public, la commande publique ou des allégements de charges ou de réglementation), un ralentissement des destructions (par des aides aux entreprises, ou des hausses du coût ou des contraintes juridiques) ou une baisse de la population active (en accélérant les départs en retraite ou en jouant sur les emplois aidés).



On peut également voir les choses autrement, en partant du double rôle de l'emploi :



- un rôle social - l'emploi définit en grande partie la place donnée à chacun dans la société, et l'absence d'emploi renvoie souvent aux chômeurs ce message angoissant : il n'y a pas de place pour eux – souvent sans en préciser les raisons, ni indiquer aux demandeurs d'emploi ce qu'ils pourraient faire pour trouver une telle place ;



- un rôle économique – les emplois font partie de processus productifs, et plus ces processus sont créateurs de valeur, plus l'emploi est protégé et susceptible d'être rémunéré ;



Cette double analyse mène à une politique de l'emploi bien différente du « filet garni » habituel, comprenant emplois aidés, aides aux entreprises, modifications des textes et mesures de retraite d'activité qui a inspiré plusieurs « plans pour l'emploi », dont le plus récent d'entre eux.



Pour remplir au mieux le rôle social, il faut revoir en profondeur le dispositif public d'aide à l'emploi pour le centrer sur une mission : trouver l'emploi qui réalise pour chaque demandeur d'emploi le meilleur compromis entre ses aspirations, ses capacités et ce que peut lui offrir le marché. On trouvera sur le site www.supprimerlechomage.org un détail de ce que cela implique – on y retrouve des outils existants, mais ils sont articulés d'une façon différente du l'accumulation de dispositifs qui caractérise actuellement notre système d'aide à l'emploi.



Pour remplir au mieux le rôle économique, il faut organiser l'économie de façon à faciliter la réponse aux besoins, et l'adaptation aux technologies. On trouvera dans une émission récente de France Culture un débat approfondi sur le second point ( ). S'agissant de l'adaptation aux besoins, il faut, là aussi, repenser les formalités de création d'activité pour faciliter la transformation d'une idée en activité. La piste souvent privilégiée est celle de la baisse de charge, en créant des exceptions dans notre système fiscal ou social – c'est-à-dire en condamnant les entreprises ainsi créées à se fonder sur un modèle non soutenable au-delà d'une certaine taille. Une option différente pourrait être la suivante :



- les formalités liées aux feuilles de paye et à la constitution du dossier de création seraient intégralement prises en charge par l'Etat, gratuitement pour les premières, et pour un coût symbolique (150 euros) pour les secondes. Cette « internalisation » du coût des procédures pousserait ainsi l'administration à supporter le coût de la complexité de ses processus. L'Etat serait alors bien plus incité à réduire ou à numériser ses processus, puisqu'elle bénéficierait des économies ainsi induites ;



- les charges (notamment sociales) liées à une activité d'un niveau inférieur à un certain seuil (la moitie du SMIC par exemple) seraient prélevées sous la forme d'une contribution sur le chiffre d'affaires – contrairement à la situation actuelle dans laquelle la protection sociale présente une caractère en grande partie forfaitaire pour les petites entreprises, alors qu'elle est « offert » aux demandeurs d'emploi.



Ainsi, point n'est besoin d'opposer les salariés aux entreprises pour réduire le chômage : avec le premier dispositif, tout chômeur disposerait des moyens pour trouver une place dans le monde du travail. Avec le second, tout porteur de projet - étudiant, salarié, chômeur ou retraité - pourrait créer de façon simple une activité.

mercredi, août 09, 2006

Innovation et recherche : parlons-en !

"To invent, you need a good imagination and a pile of junk." - Thomas Edison

Savez-vous comment est né le World Wide Web ? Pas des laboratoires de recherche militaire américains (ils ont plutôt développé le précurseur du réseau Internet, qui permet à un ensemble d’ordinateurs de se connecter pour créer un réseau). Pas des startups californiennes (elles ont essentiellement développé des applications une fois le web lancé). Pas des géants de l’informatique (même si Xerox avait eu des initiatives intéressantes, leur apport s’est essentiellement concentré dans le développement d’ordinateurs personnels bon marché). Pas des plans d’investissements publics centrés sur les réseaux (ils se sont essentiellement concentré sur les réseaux universitaires et militaires).

Non, le web est né d’une initiative d’un contractuel d’un laboratoire de recherche européen (le Cern), qu’un contrôle de gestion rigoureux aurait freinée, si ce n’est empêchée : dans un laboratoire censé consacré ses moyens à la recherche nucléaire, Tim Berners-Lee réussit en effet à faire financer un projet consacré à un projet consacré à un nouveau langage hypertexte (http://fr.wikipedia.org/wiki/Tim_Berners-Lee). Pour schématiser à l’extrême : l’une des évolutions les plus importantes pour la diffusion de la connaissance, l’innovation ou le travail en groupe est née du fait que des chercheurs ont pu, sur leur temps de travail, gaspiller de l’argent (par rapport aux missions de leur contrat de travail) avec l’aide de consultants extérieurs !

Beaucoup des grandes découvertes ont des origines comparables. Ainsi la théorie de la relativité est-elle due à Albert E, obscur employé de l’office des brevets de Berne, refusé par toutes les universités auxquelles il avait postulé. La découverte de la pénicilline est liée à une erreur de laboratoire, un expérience sur le développement de moisissures ayant contaminé par inadvertance une expérience sur des souches bactériennes. La radioactivité a également été découverte par hasard (http://fr.wikipedia.org/wiki/Antoine_Henri_Becquerel). Et les exemples ne sont pas limités à la recherche théorique ou fondamentale : l’invention du Post-It (http://fr.wikipedia.org/wiki/Post-it) relève le même logique. De la même façon l’un des centres de recherche les plus prolifique de l’histoire récente, Xerox Parc (http://en.wikipedia.org/wiki/Xerox_PARC), responsable entre autre de l’imprimante laser, des systèmes d’interface avec souris, fenêtres et menus, du langage orienté objet voir du langage html a-t-il également été un échec financier pour son financeur.

La société 3M, reconnue pour sa capacité d’innovation(http://management.journaldunet.com/dossiers/040640innovation/3m.shtml), a poussé se système jusqu’au bout en définissant sa politique d’innovation comme suit : mettre des moyens importants, favoriser l’échange et le maillage entre des équipes différentes, laisser les chercheurs consacrer 15 % de leur temps à leurs recherches personnelles, et favoriser et valoriser les carrières d’experts plutôt que de vouloir transformer d’excellents chercheurs en mauvais gestionnaires.

Bien sur, une nation ne se gère pas comme une entreprise : un état se doit par exemple d’être plus généreux sur les moyens (car il doit inclure le rendement public comme le rendement privé des innovations), moins élitiste (car il doit répondre à une base plus large que le cercle des actionnaires d’une entreprise). Il doit aussi concevoir un cadre plus large, qui permette à de former des étudiants et des chercheurs, de faire avancer la recherche publique, tout en stimulant la recherche privée et en libérant l’innovation.
Or ces trois répondent à des contraintes différentes. Ainsi, le processus de validation des publications scientifiques (http://bsalanie.blogs.com/economie_sans_tabou/2006/02/la_rpublique_de.html) fonctionne-t-il d’une façon qui favorise les innovation incrémentales de chercheurs « connus », et qui élimine les innovations radicales et freine les contributions de chercheurs moins connus. Ainsi les innovations les plus profondes sont-elles l’ennemi d’un contrôle de gestion borné et d’une mécanique administrative et centralisée ou élitiste.

Cela ne signifie évidemment pas qu’il faille renoncer à toute politique. Par exemple en orientant davantage la formation vers la créativité, l’expérimentation et le travail en groupe qu’en en faisant un outil grotesque de sélection et de reproduction d’exercices scolaires. Par exemple en décentralisant et en réduisant le poids du mandarinat dans l’université et la recherche. Par exemple en favorisant les échanges et les confrontations entre le monde la recherche, de l’éducation ou de l’entreprise. Et surtout en évitant de se limiter au seul point de vue des grands groupes, des startups, des chercheurs, des professeurs ou innovateurs – mais en construisant un système que tienne compte de l’ensemble de leurs contraintes.

Bref une politique dans laquelle il ne suffit pas de donner plus à tous ou rien à personne, mais où il faut surtout faire des choix et jouer à la fois sur les moyens et sur les structures. C’est un chantier à moyen terme, malheureusement difficile à résumer dans un slogan électoral : pour 2007, reste donc à choisir celui où celle qui semblera présenter – individuellement ou dans un « ticket » avec d’autres personnalités - les meilleures prédisposition à analyser puis gérer ce sujet avec recul, méthode et intelligence.

samedi, juin 10, 2006

Comment financer un programme présidentiel ?

La publication du projet socialiste a entraîné un certain nombre de commentaires sur son financement, certains pertinents, d’autres moins.

D’abord, notons que la plupart des mesures d’un programme laissent généralement – à gauche comme à droite – un flou suffisamment large pour laisser la voie à des estimations qui varient du simple au triple. Ainsi une « allocations pour les jeunes » peut varier de 300 euros par mois si cette allocation est basée sur le RMI, à 1200 euros si elle se rapproche du SMIC. Lors de la précédente campagne, le CIVIS devait remplacer les emplois-jeunes – en réalité, le premier touche un public infiniment plus étroit que le second, ce qui se serait lu immédiatement si cet engagement avait été accompagné d’un chiffrage.

Ensuite, il faut rappeler que l’évolution « normale » des finances publiques génère des marges de manœuvre du fait que les impôts encaissés varient comme le PIB (par exemple, + 4,5 % par an avec 2 % d’inflation et 2,5 % de croissance), alors que les dépenses peuvent évoluer moins vite (le pouvoir d’achat des salaires stagne actuellement, et les dépenses de l’Etat peuvent être contenues au niveau de l’inflation, voir en-dessous). Cet « effet de ciseau » est d’autant plus possible qu’on se situe en phase de départ en retraits importants (qui permet de gérer plus facilement les réallocations de postes des secteurs excédentaires, tels que les finances et le ministère de l’intérieur, respectivement impactés par l’effet de l’informatisation et de la décentralisation, vers les secteurs qui en manquent, comme par exemple la justice, l’inspection du travail ou l’accompagnement des demandeurs d’emploi). Au total, il n’est pas irréaliste de compter sur environ 2 points de PIB de marges de manœuvre, si la croissance est au rendez-vous.

Par ailleurs, il faut noter qu’il existe un gisement important d’économie au sein du secteur public, qui peut être mobilisé à plusieurs conditions :

- d’abord, y mettre le temps et la volonté suffisante : ces économies ne sont pas sous la forme de « tas d’or » oubliés de tous (quoique le patrimoine de la banque de France offre des surprises), mais sous la forme d’amélioration du fonctionnement, de simplifications ou de tri dans les objectifs fixés aux services publics. Pour cette raisons, les seuls réformes qui réussissent à percer, comme la Lolf (au-delà de ce que peut être son application), sont portées à la fois par la gauche et la droite. A l’inverse, les « réformes » pensées comme un élément de communication d’un ministre n’ont aucune chance de réussir, soit parce que l’attention qui leur st accordée ne durera qu’un temps, soit qu’elles soient contrebalancées par un foisonnement d’initiatives (par ex : http://www.cyber-budget.fr/) au rapport coût/intérêt pour le moins questionnables. Elle traduisent également ;

- ensuite, commencer par traiter le problème principal, qui est celui des chefs : il est inutile de charger les fonctionnaires d’indicateurs et de rapports si one ne commence pas par faire un tri dans leurs missions, et si ces missions ne sont pas stabilisées. Dans ce domaine également, la logique d’action s’opposent (fois trois missions correctement plutôt qu’en annoncer dix et en réaliser – mal - cinq) ;

- donner les moyens aux agents de réaliser les dits économies, ce qui signifie souvent donner du temps, de la confiance, et investir (de la formation ou des outils).

Quelques mots sur les opérations portant sur le patrimoine : en soi une vente de patrimoine immobilier (poussées par la droite) ou un achat de titres d’entreprises (proposé pour EDF par la gauche) ne coûtent rien aux contribuables. Pour savoir ce qu’ils coûtent il faut se demander si l’Etat a un avantage à être propriétaire (ce n’est pas le cas pour un immeuble inutilisé ou coûteux, mais c’est généralement le cas autrement) ou actionnaire (EDF évolue sur un marché de toutes façons très régulé et peu concurrentiel, et il fixe une partie des prix – donc du résultat de l’entreprise).

Il faut également prendre en compte le fait que l’Etat à un « coût du capital » (ie, le prix auquel il paye sa dette) très inférieur à celui du privé. Or les prix d’achats intègrent la valeur future, donc le coût du capital de l’acheteur : l’Etat n’a d’intérêt à vendre que dans les cas où le privé gèrerait mieux que lui (c’est le cas dans les secteurs à forte innovation comme les télécommunication). Notons également qu’il ne faut pas être leurré par une logique comptable : ce n’est pas parce que les comptes de la Caisse des Dépôts ne sont pas inclus dans les comptes publics, que l’on peut considérer comme sans impact ce qu’elle achète ou qu’elle vend !

En revanche, pour les raisons indiquées ci-dessus, il est vrai que ce n’est pas le montant de ces opérations qui doit être pris en compte, mais ce que l’Etat gagnera (ou perdra) à en être le gestionnaire. Le même type de questions devrait être posée lors des privatisations : entre les frais d’introduction, les actions gratuites distribuées ou les éventuelles concessions en contrepartie d’une privatisations, l’Etat peut tout à fait perdre de l’argent en privatisant.

Je ne reviendrais pas sur la dette, qui doit être considérée dans une conception large (http://www.debat2007.fr/blog/index.php?2006/06/08/91-gestion-de-la-dette-changer-de-paradigme-pour-assurer-l-equite-entre-generations), qui comprend à la fois les charges futures de retraite, mais également la valeur des actifs publics.

Terminons en rappelant ce à quoi doit servir le chiffrage d’un projet : évidemment pas à choisir le programme le « moins cher » - ce qui reviendrait à considérer l’élection présidentielle en une sorte d’enchère inversée dans laquelle les candidats achèteraient les votes des français avec leur propre argent. Mais plutôt à confirmer la cohérence des programmes : on ne peut pas promettre de multiplier les dépenses et de réduire la dette. On ne peut pas non plus promettre de réduire la dette, les impôts et une « flex-sécurité » à la danoise – pays qui dépense 50 % de plus que la France en matière d’accompagnement des demandeurs d’emploi pour un chômage très inférieur. Le chiffrage sert aussi à préciser la nature des engagements – une aide aux jeunes à 3 milliards d’euros annuels, ce n’est pas la même chose qu’une aide à 50 millions d’euros…

Finalement un débat sur le chiffrage, s’il est conduit sur des bases pertinentes, peut forcer les candidats à être plus précis sur la nature même de ce qu’ils proposent. Et il serait aussi absurde de refuser de prendre en compte le coût des programmes que de ne regarder que les coûts, sans examiner en quoi ces programmes répondent aux problèmes sociaux et économiques qui sont ceux de la France.

Comment identifier les secteurs économiques de demain

O Boulga publie sur son blog un article qui propose une méthologie pour aider le décideur public à trouver les secteurs économiques "à aider". L'étude est intéressante d'un point de vue théorique. Comme il est impossible de juger un article théorique sans etre un spécialiste du champ, je me garderais bien d'un jugement théorique.

En revanche d'un point de vue pratique, une remarque : le probleme que visé le décideur public est similaire au probleme du "gestionnaire de portefeuille" qui veut tenter d'identifier les actions qui "coutent" moins cher à acheter (ici, les entreprise les moins chere à aider, par exemple par emploi implanté), sachant qu'il est entouré de gens qui veulent faire la même chose. Or dans le domaine de la planification économique, on est également handicapé par un grand retard des donnés (les données boursieres sont normalisées et en temps réel, ls données économiques régionales le sont rarement !).

Au total :

- les méthode "mécaniques", dont celle consistant à acheter les titres qui montent (ici, aider les "gazelles" ou les secteurs qui se développent) ont en général un effet proche de zéro (voir négatif car d'autres font la même chose ce qui conduit à un surinvestissement dans les secteurs à la mode) - quelle que soit la séduction qu'exercent ces "recettes miracles" du style "pour gagner en bourse c'est facile j'achete les titre qui vont monter et je vend ceux qui vont baisser"

- le gestionnaire moyen (ici, la planificateur économique moyen) fait moins bien qu'un tir à pile ou face (ici qu'une distribution systématique ou aléatoire des aides)

- quelques individus doués arrivent à battre le marché, sans que l'on sache jamais s'ils sont des chanceux ou des doués.

A mon avis le mieux qu'on puisse faire dans ce domaine est déjà:

- de faire une meilleure coordination natioanle en évitant la compétition territoriale par les aides ;

- de mise sur le capital-risque, un métier dont l'objet est précisément de résoudre le "paradigme de l'investisseur" - et aucun modèle mécanique ne fera durable mieux, viser sur l'application de la recherche, ou sur les secteurs qui n'apparaissent sur aucune statistique (économies d'énergie par exemple)

- d'investir l'argent public dans les politiques publiques qui visent à l'amélioration des outils qui sont dans le champ de compétence régalien (formation, matching offre/demande d'emploi et aides aux chercheurs d'emploi [www.supprimerlecjomage.org]

jeudi, juin 01, 2006

Gestion de la dette : changer de paradigme pour assurer l'équité entre générations

1. Une dette élevée, mais qui peut être réduite avec les bons outils


La dette publique atteint fin 2005 un niveau de 65,8 % du PIB (soit 1. 117 milliards d'euros ou environ 18.000 euros par français). Cette dette n'a été réduite qu'une seule fois : de 1997 à 2001 (en passant de 58,5 % à 56,2 % du PIB) – fin 2002, elle était déjà revenue à 58,2 % du PIB. Le gouvernement prévoit une stabilisation à 66 % fin 2006 – mais dans la mesure où les annonces précédentes n'ont pas été tenues, cet objectif est totalement indicatif. Il est donc probable que la dette représente les deux tiers du PIB au moment des élections.

Ce qui est en cause, c'est bien sûr le niveau de la dette, mais c'est également une façon de gérer les finances publiques : dans ce domaine également [1], il nous faut « changer de paradigme ». En effet, le débat sur la dette, tel qu'il est actuellement pratiqué , est totalement faussé :

- il ne porte que sur le niveau total de la dette, alors qu'il ignore la valeur des actifs de l'Etat : avec une telle vision l'Etat peut brader son patrimoine (autoroutes, EDF,…) en vendant 100 ce qui vaut 200, tout en donnant l'impression d'améliorer la situation des finances publiques (qui feront apparaître la produit des ventes d'actifs publics, mais pas la valeur de ce qui a été abandonné en contrepartie) ou réduire la dette par des artifices (montages financiers ou « soultes » d'établissements publics) ;



- il ne contient pas d'analyse sur ce qui est, au fond, le plus important : l'équilibre financier entre générations. En effet, ce qui compte vraiment, c'est que les générations actuelles laissent aux générations futures un « deal » équilibré – ce que ne serait pas une dette zéro, mais des retraites sous-financées, un patrimoine publique dilapidé et des services publics exsangues et à recapitaliser d'urgence


2. Proposition : auditer, débattre puis réduire les « engagements publics »


La dette publique est un indicateur important du niveau des engagements que cette génération laissera aux générations suivantes. Mais se focaliser ainsi sur la dette seule légitimerait une gestion calamiteuse, comme par exemple :

- vendre dans l'urgence et à prix cassés le patrimoine public (comme EDF – dont l'action a été vendue 32 euros par l'Etat alors qu'elle valait 50 % de plus 6 mois plus tard – ou comme les autoroutes ou les aéroports, vendus une fraction de leur valeur) ;

- multiplier les montages financiers complexes qui transféreront la dette au privé, ce qui coûtera cher à l'Etat (il paye la dette nettement moins cher que le privé) et dégradera les dépenses de fonctionnement sans améliorer le service public ;

- forcer la collectivité à louer là où elle pourrait faire des économies en étant propriétaire et, plus généralement, à augmenter les charges de fonctionnement publiques là où l'Etat pourrait investir pour réduire ses coûts ;

- s'interdire d'investir pour l'avenir, même lorsque cet investissement laisse aux générations futures un bilan largement positif (effort pour l'éducation, achat de scanners ou d'équipements de traitement des cancers par rayonnement dans les hôpitaux…) ;

- sous-investir dans des dépenses même modestes qui réduiraient la pollution, ou augmenteraient l'espérance de vie ;

- traiter de la même façon l'Etat et les collectivités, alors que ces dernières ont souvent un patrimoine 5 ou 6 fois plus important que le niveau de leur dette.

Cette conception est celle d'une gestion court-termiste, qui fait passer la communication sur un ou deux indicateurs avant le souci de la bonne gestion. Cette stratégie conduit toujours à des déceptions et au gaspillage de l'argent public. C'est l'opposé exact de ce qu'il faut faire. Pour gérer correctement les finances publiques il faudrait plutôt :


- procéder à l'arrivée au gouvernement à un audit des « engagements publics » (définis comme : dette + engagements futurs notamment de retraite – valeur du patrimoine, des actifs publics et des investissements pour l'avenir), et à produire avant fin 2007 un rapport qui fera l'objet d'un débat public sur le point de départ ;

- procéder à un audit similaire, qui donnera lieu à un débat similaire en 2012, afin d'organiser un débat sur son bilan de mandat. Ce bilan porterait à la fois sur la dette publique, le patrimoine public, les programmes d'investissements, les dépenses pour l'avenir ainsi que sur les équilibres économiques et sociaux entre générations.

- s'engager à réduire le niveau des « engagements publics » (dette – valeur des actifs et dépenses ur l'avenir).

dimanche, mai 21, 2006

La guerre économique : par les coûts ou par l’innovation ?

La concurrence se joue sur les coûts (produire la même choses, moins cher) et sur la différenciation (produire une chose différente des autres, désirée par les clients). Des pays qui partagent la même monnaie ne peuvent pas être mauvais sur ces deux aspects à la fois : si c’était le cas, le taux de change s’ajusterait jusqu’à ce que ses produits soient « en moyenne », ni meilleurs ni plus mauvais. La crainte qu’à force de perte sa compétitivité l’Europe ne puisse plus rien exporter est une chimère : dans ce cas, le cours de l’euro baisserait jusqu’à ce que la balance commerciale s’équilibre. Nos produits seraient à nouveau compétitifs, mais les européens payeraient plus cher les produits importés. On notera d’ailleurs que c’est plutôt l’inverse qui se réalise actuellement puisque depuis sa création l’euro a progressé face au dollar.

Reste qu’au sein de la zone euro la France pourrait s’affaiblir si elle devenait la plus chère. Est-ce le cas ? Non, répond une étude récente de KPMG : la France est un site d’implantation plus compétitif que la moyenne des pays développés, et caractérisé par des coûts du travail relativement bas. Ce constat est vrai au niveau européen, il l’est également par rapport aux Etats-Unis. Et l’étude n’est pas une étude réalisée par un théoricien dans un laboratoire : il s’agit d’une étude du même type que celle qu’aurait fait KPMG si un grand groupe lui avait demandé d’étudier le meilleur site pour une implantation.



Globalement, la France se situe en 3e position, juste derrière le Canada et Singapour. Il serait difficile pour la France d’atteindre le niveau de Singapour (qui doit sa place à des niveaux de salaires très faibles, sans doute liés à la possibilité des entreprises de faire appel à de la main d’œuvre malaisienne ou indonésienne). Par rapport au Canada, nous disposons d’un léger handicap en terme de coûts salariaux (370 euros d’écart, soit un surcoût de 6 %), compensé aux deux tiers par une charge fiscale et des coûts de transports ou d’énergie inférieurs (250 euros).

Le « modèle français » a des inconvénients dont certains ne sont pas pris en compte dans l’étude KPMG (la difficulté d’une entreprise à discuter avec un nombre invraisemblable de décideurs nationaux et locaux, le poids – réel ou supposé – de la réglementation, ou la formation des salariés). Néanmoins ce modèle représente un équilibre globalement satisfaisant : au moment d’implanter une usine nouvelle, ses surcoûts en matière de charges sont compensés par des salaires plus faibles (car les salariés n’ont pas à se payer eux-mêmes une protection santé ou vieillesse) et par des choix de grandes infrastructures (transports, télécoms, énergie) qui bénéficient aux entreprises !

Faut-il pour autant considérer que ce sujet est clôt pour la présidentielle 2007 ? Non bien sur : comme je le rappelais en introduction, l’innovation et la créativité sont des éléments importants, sur lesquels la position française est sans doute moins favorable. C’est sans doute pourquoi l’Allemagne, pourtant « plus chère », réalise de meilleures performances à l’export. Par ailleurs, l’essentiel des nouvelles activités créées ne sont pas créées par des grands groupes qui font le choix du site le moins coûteux. Il s’agit surtout de créations locales, de personnes qui développent leur activité là où ils se trouvent. Voilà pourquoi le véritable combat pour la compétitivité doit être celui de « l’intelligence collective » : comment innover davantage, comme monter en gamme.

Du point de vue économique comme du point de vue social, nous devons donc sortir du débat sur la compétitivité « par le haut » en lorgnant sur le modèle danois, allemand ou japonais (une spécialisation et une innovation qui permet de financer le modèle social) plutôt que sur le modèle singapourien, qui utilise l’immigration pour offrir des coûts du travail très faibles tout en préservant le revenu des nationaux.

dimanche, mai 14, 2006

Communication et politique : divorce ou secondes noces ?

(avec Nina Mitz, paru dans Stratégies le 11 mai 2006)

Selon le baromètre SOFRES/Figaro, 60 % des Français faisaient confiance à Jean-Pierre Raffarin lorsqu'il a été nommé Premier Ministre et il a mis plus d'un an pour descendre en-dessous du niveau de 40 %, auquel a débuté Dominique de Villepin. Celui-ci n'a d'ailleurs jamais réellement décollé : à part en août 2005, le nombre de Français qui ne lui faisaient pas confiance a toujours été supérieur au nombre de ceux qui lui faisaient confiance. Ces chiffres étonnent, car ils divergent de l'impression que donnait jusqu’au conflit du CPE - et à fortiori jusqu’à la récente affaire Clearstream - le Premier Ministre là où les Français pouvaient le voir le plus souvent : à la télévision.

Cet écart se retrouve dans une autre enquête SOFRES, consacrée à la crédibilité des médias. Elle montre que depuis 20 ans, la crédibilité de la télévision a fortement baissé : la part de ceux qui pensent que les choses se sont passées comme le dit à la télévision est passée de 65 % en 1998 à 44 % en 2006. C'est vrai, dans une moindre mesure, pour la radio, la presse étant relativement moins touchée.

On pourrait s'en inquiéter et y voir le signe d'une dégradation de la qualité des médias, si ce constat n'allait pas de pair avec une autre réalité. En vingt ans, l'information télévisée à été partiellement privatisée, mais elle n’a pas été mise très fortement en concurrence : pour la plupart des Français cette information est encore en fait limitée à 4 ou 5 chaînes, et la concurrence, comme les moyens des rédactions, restent somme toute assez modestes. La concurrence a été plus forte pour l'information radiophonique, avec par exemple la création des FM d’abord, puis le lancement de France Info ou de BFM. L'information écrite, quant à elle, a été soumise à une double révolution : technologique, avec le développement d'internet et des nouvelles technologies de communication, et économique, avec le développement de la gratuité, qu'il s'agisse de la presse ou des sites web des journaux. Plus personne ne « contrôle » l'information - certains blogs allant jusqu'à corriger des erreurs lues dans la presse. L’arrivée en nombre de médias étrangers, captés facilement par le Web ou les bouquets numériques – et demain le téléphone mobile - , procure également une alternative crédible à ceux qui cherchent à se faire librement une opinion.

Cette révolution technique des mass media n’a pas d’équivalent dans l’histoire de la communication. Nous sommes passés du « one to one » d’antan, qui privilégiait la relation personnelle, au « one to many » (imprimerie puis mass media) des années 30 à 60 au « many to many » (multiplication et éclatement des médias dont internet). Il faut désormais des professionnels d’un nouveau type capables de s’adapter non seulement à une grande exigence de rapidité mais aussi à la fin de l’hexagonalité. Il leur faut savoir dépasser les outils classiques du « spin doctoring », dont l’utilisation est encore trop souvent aléatoire, comme si l’accumulation d’expressions pouvait occulter la vacuité de l’ensemble. Ils doivent savoir anticiper l’impact sur l’opinion d’informations de toute origine pour les traiter professionnellement, systématiquement et immédiatement et non pas sporadiquement et doucement comme cela était possible jusqu’à présent.

Deux écoles peuvent être remarquées. L’école « créative », plutôt latine et l’école « méthodique » plutôt américaine. La compétition est telle et l’internationalisation si installée, qu’il ne suffit plus désormais d’être bon dans l’un de ces axes seulement.

Ainsi, le parcours de Blair doit-il beaucoup à un « mix » vertueux entre une communication politique de qualité et une action rénovatrice mises au point par Mandelson et Gould orchestrant les idées de Giddens. De même Clinton, aux Etats-Unis, a-t-il su faire confiance à Carville pour choisir l’économie comme point d’articulation de sa campagne et laisser Rubin et Greenspan en assurer la réussite..

Cette professionnalisation de la communication nous emmène-t-elle vers un modèle dans lequel la politique se vend comme de la lessive ou du café ? Nous pensons le contraire, et ce pour deux raisons. D'abord parce que, contrairement à la lessive, les choix politiques renvoient aux valeurs et induisent une implication personnelle. Ensuite, parce que la communication n'est déterminante que lorsqu'il n'existe pas de vrais choix. Or en 2007, la France aura un choix à faire : un modèle libéral, déjà incarné à droite, et un modèle socio-démocrate, que la gauche devra proposer.

samedi, avril 29, 2006

Chômage des jeunes : les bons, les brutes et les truands

Que faire face au chômage des jeunes ? Notons d'abord que la mesure du taux de chômage des jeunes (23 %) est d'une fiabilité limitée, car la plupart d'entre eux sont exclus de ce calcul : le taux est en effet le rapport entre le nombre de ceux qui cherchent un emploi (6,5 % des jeunes) et le nombre de ceux qui ont fini leurs études (soit moins d'un tiers des jeunes).

De plus, ce taux est, partout, plus élevé que la moyenne. En effet, avant d'occuper un emploi, il faut en chercher un. Or, si les 800 000 jeunes qui arrivent en 2006 comme chaque année sur le marché du travail sont inscrits en moyenne trois mois pour chercher un premier emploi, on compte déjà 200 000 chômeurs jeunes ­- soit la moitié des 420 000 recensés actuellement. Le chômage des jeunes est donc plus de deux fois supérieur au taux de chômage de l'ensemble de la population dans tous les pays du monde, en France comme aux Etats-Unis.

Par ailleurs, les jeunes sont les "amortisseurs" des ralentissements de la conjoncture, en étant à la fois les premiers licenciés et ceux dont l'embauche est retardée. Ainsi, le nombre de jeunes chômeurs a-t-il baissé de 34 % de mi-1997 à mi-2002 quand le reste du chômage diminuait de 27 %, alors qu'il a progressé de 8 % depuis mi-2002 contre 2 % pour le reste du chômage.

Finalement, on peut distinguer trois types de personnalités politiques qui voudront créer un dispositif ciblé sur le chômage des jeunes. Les "bons" voudront répondre aux difficultés des jeunes exclus (qui n'ont pas le droit au RMI) : le dispositif Trace relèvent de cette logique. Les "brutes" voudront utiliser les jeunes comme "terrain d'expérimentation sociale" : il est plus facile de tenter de baisser leur salaire ou leur protection sociale que celui de ceux qui disposent d'éléments de comparaison. Les "truands" auront une approche "marketing" du chômage abordé par "segments", en fonction du poids électoral des différentes catégories de chômeurs. Ils ne veulent pas résoudre le problème du chômage, mais plutôt donner des signes aux électeurs qui en sont victimes.

Sorti de ces trois motivations, face au chômage des jeunes, il faut aborder deux questions globales : pourquoi des personnes sortant de notre systeme éducatif ne disposent-elles pas des moyens d'avoir un emploi ? pourquoi le chômage en France est-il aussi élevé ?

Je reviendrai sur le premier point dans un autre billet. Notons simplement qu'il faut à la fois que les jeunes sachent des choses utiles pour l'entreprise, mais aussi qu'ils aient un bagage théorique afin qu'ils "sachent apprendre" pour pouvoir acquérir demain les connaissances qui leur seront alors nécessaires.

Le problème de l'emploi appelle à traiter les causes profondes de ce mal, et, notamment, à choisir entre deux voies. La première est le "modèle libéral" : beaucoup de travailleurs pauvres (il y a en a autant aux Etats-Unis qu'il y a de pauvres et de chômeurs réunis en France), des riches plus riches, des pauvres plus pauvres, une cohésion sociale moyenne, mais un système "simple" avec peu de chômeurs, notamment en raison de l'extrême dureté de cette situation. Mais il y a aussi la voie "nordique", qui associe faibles inégalités, faible pauvreté et forte cohésion sociale. Elle suppose d'abord d'encadrer la démarche de recherche d'emploi. Cette tâche exige en effet des compétences et des initiatives qui dépassent en complexité le contenu de bien des emplois : bilan sur soi, connaître le "marché", définir un objectif, se former... Il s'agit d'activités à part entière, difficiles à mener seul. Ensuite, la France a su transformer son industrie, s'ouvrir à l'international ou se doter d'un Smic et d'assurances sociales financées par des cotisations. Ce sont de bons choix, mais ils ont condamné certains emplois sans créer d'emplois de substitution. Pour cela, il aurait fallu solvabiliser des millions d'emplois pour ramener leur coût au "niveau du marché" sans sacrifier le revenu de ceux qui les occupent. Enfin, il faut coordonner notre réponse au chômage, aujourd'hui diluée entre entreprises, Unedic et Etat, et changer un système où l'Etat est compétent pour traiter un chômage dont les ravages se font sentir dans des communes démunies pour y faire face.

Plutôt que de débattre sans fin sur le dernier "contrat bidule" à créer pour les jeunes, c'est donc bien sur les questions de l'éducation et de l'emploi qu'il faudrait amener le débat...

Les clefs de l'élection 2007 : les idées ou le climat ?

Les candidats et les projets de 2007 ne sont pas encore connus avec certitude. Mais on peut déjà poser un certain nombre d'hypothèses.

Les candidats et les projets de 2007 ne sont pas encore connus avec certitude. Mais on peut déjà poser un certain nombre d'hypothèses.

Hypothèse 1 : le choix final sera entre un candidat de gauche et un candidat de droite

Un scénario similaire à celui de 2002 semble moins probable en 2007, notamment parce que les Français auront compris qu'en raison des règles du scrutin, la dispersion au premier peut priver de choix au second tour. Par ailleurs la politique de sécurité a "rogné" une partie des thèmes et de l'électorat du Front National. Nous aurons donc, au second tour, un (ou une) candidat(e) de gauche, et un candidat de droite.

Hypothèse 2 : ce sera moins un clivage des programmes qu'un clivage des crédibilités

Il est possible – voire probable – que le clivage n'apparaisse pas dans les termes mêmes des discours. Ainsi, le Premier Ministre et le Président de la République ont-ils emprunté à la gauche et aux syndicats le concept de "sécurisation des parcours professionnels". De la même manière, la gauche a évolué dans ses positions vis-à-vis de la sécurité. Quand les discours portent les mêmes thèmes, la différence ne se fait pas sur les concepts, mais sur la crédibilité – quel candidat aura la volonté d'aller au fond du problème, et quel sera celui qui mettra les moyens appropriés ?

Sur cette question, il est probable que la gauche soit plus crédible sur le projet social. Même s'il lui reste à faire des propositions précises, elle a su, par le passé, engager des moyens considérables sur ce terrain. La droite vient, avec le CPE, de jeter un doute sur sa capacité à remplir sa promesse de "flexsécurité à la française" : elle devra a minima renouveler son approche si elle veut convaincre. Mais la droite pourra jouer son avantage sur la sécurité – avec néanmoins, par rapport à 2002, un handicap lié au fait que ce thème puisse se révèler moins efficace (si les Français reconnaissent son action), ou jouer d'une façon partiellement négative (si les Français considère que les résultats ne sont pas au rendez-vous).

A cet égard, la situation sera donc inverse à celui de 2002, lorsque la gauche affichait un bilan de baisse du chômage sans proposer d'action claire pour renouveler cette baisse, tout en étant attaquée sur son action en matière de sécurité.

Il faudra également compter avec le thème de la mondialisation, qui est en filigrane derrière les questions sociales (via la concurrence économique, sociale ou fiscale), et certaines questions de sécurité. Aborder ce thème est difficile, car il faut commencer par avouer que nous n'avons pas fait les choses dans le bon ordre : avant d'ouvrir largement les marchés des biens et des capitaux, il aurait fallu consolider le modèle social ou choisir délibérément un modèle "à l'anglo-saxonne". Par ailleurs, les leviers d'action sont désormais au niveau européen, grippés au moins temporairement par le "non" au référendum. S'il est absolument essentiel de les mobiliser, il sera donc sans doute difficile d'en attendre des résultats visibles à l'horizon d'une législature. Reste que la crédibilité sur ce thème pourra faire office de "joker".

Enfin, puisqu'il s'agira d'un combat des crédibilités, il est possible que la question du bouclage budgétaire des programmes compte plus que les années précédentes. En effet, s'il est impossible de savoir si un candidat a réellement l'intention de tenir ses promesses, il est possible d'indiquer si elles sont compatibles entre elles, ou non, compte tenu des ressources publiques. Le rôle des observateurs extérieurs, dont debat2007.fr, sera particulièrement important pour pousser les candidats à présenter un chiffrage précis du coût de leurs engagements. Il est également possible que, dans ce cadre, les candidats soient alors conduits à expliquer par quelles actions de réforme publique ils trouveront les marges de manœuvre qui leur manquent.

Les candidats et les projets de 2007 ne sont pas encore connus avec certitude. Mais on peut déjà poser un certain nombre d'hypothèses.

Hypothèse 1 : le choix final sera entre un candidat de gauche et un candidat de droite

Un scénario similaire à celui de 2002 semble moins probable en 2007, notamment parce que les Français auront compris qu'en raison des règles du scrutin, la dispersion au premier peut priver de choix au second tour. Par ailleurs la politique de sécurité a "rogné" une partie des thèmes et de l'électorat du Front National. Nous aurons donc, au second tour, un (ou une) candidat(e) de gauche, et un candidat de droite.

Hypothèse 2 : ce sera moins un clivage des programmes qu'un clivage des crédibilités

Il est possible – voire probable – que le clivage n'apparaisse pas dans les termes mêmes des discours. Ainsi, le Premier Ministre et le Président de la République ont-ils emprunté à la gauche et aux syndicats le concept de "sécurisation des parcours professionnels". De la même manière, la gauche a évolué dans ses positions vis-à-vis de la sécurité. Quand les discours portent les mêmes thèmes, la différence ne se fait pas sur les concepts, mais sur la crédibilité – quel candidat aura la volonté d'aller au fond du problème, et quel sera celui qui mettra les moyens appropriés ?

Sur cette question, il est probable que la gauche soit plus crédible sur le projet social. Même s'il lui reste à faire des propositions précises, elle a su, par le passé, engager des moyens considérables sur ce terrain. La droite vient, avec le CPE, de jeter un doute sur sa capacité à remplir sa promesse de "flexsécurité à la française" : elle devra a minima renouveler son approche si elle veut convaincre. Mais la droite pourra jouer son avantage sur la sécurité – avec néanmoins, par rapport à 2002, un handicap lié au fait que ce thème puisse se révèler moins efficace (si les Français reconnaissent son action), ou jouer d'une façon partiellement négative (si les Français considère que les résultats ne sont pas au rendez-vous).

A cet égard, la situation sera donc inverse à celui de 2002, lorsque la gauche affichait un bilan de baisse du chômage sans proposer d'action claire pour renouveler cette baisse, tout en étant attaquée sur son action en matière de sécurité.

Il faudra également compter avec le thème de la mondialisation, qui est en filigrane derrière les questions sociales (via la concurrence économique, sociale ou fiscale), et certaines questions de sécurité. Aborder ce thème est difficile, car il faut commencer par avouer que nous n'avons pas fait les choses dans le bon ordre : avant d'ouvrir largement les marchés des biens et des capitaux, il aurait fallu consolider le modèle social ou choisir délibérément un modèle "à l'anglo-saxonne". Par ailleurs, les leviers d'action sont désormais au niveau européen, grippés au moins temporairement par le "non" au référendum. S'il est absolument essentiel de les mobiliser, il sera donc sans doute difficile d'en attendre des résultats visibles à l'horizon d'une législature. Reste que la crédibilité sur ce thème pourra faire office de "joker".

Enfin, puisqu'il s'agira d'un combat des crédibilités, il est possible que la question du bouclage budgétaire des programmes compte plus que les années précédentes. En effet, s'il est impossible de savoir si un candidat a réellement l'intention de tenir ses promesses, il est possible d'indiquer si elles sont compatibles entre elles, ou non, compte tenu des ressources publiques. Le rôle des observateurs extérieurs, dont debat2007.fr, sera particulièrement important pour pousser les candidats à présenter un chiffrage précis du coût de leurs engagements. Il est également possible que, dans ce cadre, les candidats soient alors conduits à expliquer par quelles actions de réforme publique ils trouveront les marges de manœuvre qui leur manquent.

Hypothèse 3 : c'est le climat début 2007 qui fera la différence

A moins qu'un (ou une) candidat(e) ne se détache largement en apparaissant comme le (la) plus crédible sur le terrain social, c'est en dernier ressort le climat qui tranchera. Si l'insécurité (violences, terrorisme…) domine, la droite pourra l'emporter. Si le climat social (chômage, précarité…) domine, la gauche partira gagnante. Le risque est alors que les candidats emploient davantage d'énergie à instaurer le climat qui leur est le plus favorable, par des actions de communication ou de "spin" plus ou moins avouables, qu'à la recherche de solutions dans les domaines où ils sont les moins crédibles…
A moins qu'un (ou une) candidat(e) ne se détache largement en apparaissant comme le (la) plus crédible sur le terrain social, c'est en dernier ressort le climat qui tranchera. Si l'insécurité (violences, terrorisme…) domine, la droite pourra l'emporter. Si le climat social (chômage, précarité…) domine, la gauche partira gagnante. Le risque est alors que les candidats emploient davantage d'énergie à instaurer le climat qui leur est le plus favorable, par des actions de communication ou de "spin" plus ou moins avouables, qu'à la recherche de solutions dans les domaines où ils sont les moins crédibles…
Un scénario similaire à celui de 2002 semble moins probable en 2007, notamment parce que les Français auront compris qu'en raison des règles du scrutin, la dispersion au premier peut priver de choix au second tour. Par ailleurs la politique de sécurité a "rogné" une partie des thèmes et de l'électorat du Front National. Nous aurons donc, au second tour, un (ou une) candidat(e) de gauche, et un candidat de droite.

Hypothèse 2 : ce sera moins un clivage des programmes qu'un clivage des crédibilités

Il est possible – voire probable – que le clivage n'apparaisse pas dans les termes mêmes des discours. Ainsi, le Premier Ministre et le Président de la République ont-ils emprunté à la gauche et aux syndicats le concept de "sécurisation des parcours professionnels". De la même manière, la gauche a évolué dans ses positions vis-à-vis de la sécurité. Quand les discours portent les mêmes thèmes, la différence ne se fait pas sur les concepts, mais sur la crédibilité – quel candidat aura la volonté d'aller au fond du problème, et quel sera celui qui mettra les moyens appropriés ?

Sur cette question, il est probable que la gauche soit plus crédible sur le projet social. Même s'il lui reste à faire des propositions précises, elle a su, par le passé, engager des moyens considérables sur ce terrain. La droite vient, avec le CPE, de jeter un doute sur sa capacité à remplir sa promesse de "flexsécurité à la française" : elle devra a minima renouveler son approche si elle veut convaincre. Mais la droite pourra jouer son avantage sur la sécurité – avec néanmoins, par rapport à 2002, un handicap lié au fait que ce thème puisse se révèler moins efficace (si les Français reconnaissent son action), ou jouer d'une façon partiellement négative (si les Français considère que les résultats ne sont pas au rendez-vous).

A cet égard, la situation sera donc inverse à celui de 2002, lorsque la gauche affichait un bilan de baisse du chômage sans proposer d'action claire pour renouveler cette baisse, tout en étant attaquée sur son action en matière de sécurité.

Il faudra également compter avec le thème de la mondialisation, qui est en filigrane derrière les questions sociales (via la concurrence économique, sociale ou fiscale), et certaines questions de sécurité. Aborder ce thème est difficile, car il faut commencer par avouer que nous n'avons pas fait les choses dans le bon ordre : avant d'ouvrir largement les marchés des biens et des capitaux, il aurait fallu consolider le modèle social ou choisir délibérément un modèle "à l'anglo-saxonne". Par ailleurs, les leviers d'action sont désormais au niveau européen, grippés au moins temporairement par le "non" au référendum. S'il est absolument essentiel de les mobiliser, il sera donc sans doute difficile d'en attendre des résultats visibles à l'horizon d'une législature. Reste que la crédibilité sur ce thème pourra faire office de "joker".

Enfin, puisqu'il s'agira d'un combat des crédibilités, il est possible que la question du bouclage budgétaire des programmes compte plus que les années précédentes. En effet, s'il est impossible de savoir si un candidat a réellement l'intention de tenir ses promesses, il est possible d'indiquer si elles sont compatibles entre elles, ou non, compte tenu des ressources publiques. Le rôle des observateurs extérieurs, dont debat2007.fr, sera particulièrement important pour pousser les candidats à présenter un chiffrage précis du coût de leurs engagements. Il est également possible que, dans ce cadre, les candidats soient alors conduits à expliquer par quelles actions de réforme publique ils trouveront les marges de manœuvre qui leur manquent.


Hypothèse 3 : c'est le climat début 2007 qui fera la différence


A moins qu'un (ou une) candidat(e) ne se détache largement en apparaissant comme le (la) plus crédible sur le terrain social, c'est en dernier ressort le climat qui tranchera. Si l'insécurité (violences, terrorisme…) domine, la droite pourra l'emporter. Si le climat social (chômage, précarité…) domine, la gauche partira gagnante. Le risque est alors que les candidats emploient davantage d'énergie à instaurer le climat qui leur est le plus favorable, par des actions de communication ou de "spin" plus ou moins avouables, qu'à la recherche de solutions dans les domaines où ils sont les moins crédibles…

Politiques de l'emploi : l'éternel retour...

En politique, les vraies différences ne se font pas sur les concepts, mais sur les moyens et la volonté. "Ce que tu veux, veux-le de telle manière que tu puisses en vouloir le retour éternel". Appliquons cette règle aux politiques de l'emploi : que faudrait-il refaire et ne pas refaire ?

Ce que nous ne referions pas, ce sont les dispositifs qui naissent en fanfare et meurent dans l'indifférence - le contrat de "transition professionnelle", par exemple, qui s'adresse aux manifestations les plus médiatiques du chômage (les licenciements économiques) plutôt qu'à ses causes profondes.

Ce que nous referions sont les "piliers" des politiques de l'emploi : les allégements du coût du travail ; les dispositifs d'accompagnement renforcé qui aident des chômeurs privés de repères à encadrer leur recherche ; les emplois aidés, créés "sur mesure" pour ceux qui ne peuvent accéder directement à un emploi "normal" (chômeurs de longue durée, handicapés...). Ces piliers sont nécessaires pour avoir une économie qui produise ce que le marché ne génère pas : une baisse des inégalités et une certaine solidarité nationale face au chômage. Ils reviennent donc, en ordre dispersé, à chaque législature. Ils sont parfois opposés, alors qu'il est possible de les intégrer dans une réforme qui attaquerait les causes profondes du chômage.

Pour vaincre le chômage, il faut trois choses.

D'abord, encadrer la démarche des demandeurs d'emploi. Leur tâche demande en effet des connaissances, et des initiatives qui dépassent en complexité le contenu de bien des emplois - faire un bilan sur soi-même, connaître le "marché" et ses évolutions, définir un objectif, se former... - et est difficile à mener seul.

Ensuite, la France a su transformer son industrie, s'ouvrir à l'international ou se doter d'un SMIC et d'assurances sociales financées par des cotisations. Ce sont de bons choix, mais ils ont condamné certains emplois sans créer des emplois de substitution. Pour cela, il aurait fallu solvabiliser des millions d'emplois, pour ramener leur coût au "niveau du marché" sans sacrifier le revenu de ceux qui les occupent. Certes, les allégements de cotisations ont ce but, mais ils sont ciblés grossièrement, sur des entreprises et des salariés définis par circulaires administratives !

Enfin, il faut coordonner notre réponse au chômage, aujourd'hui diluée entre entreprises, Unedic et Etat. Par ailleurs, l'Etat est compétent pour traiter un chômage dont les ravages se font sentir dans des communes démunies pour y faire face. Notre proposition part de ces constats, et du principe qu'une recherche d'emploi active est une activité socialement utile. Nous proposons ainsi un véritable statut de chercheur d'emploi : un "contrat d'évolution", un encadrement par un "coach", une formation et un "revenu d'évolution".

Pour que chacun évolue vers un emploi productif, il faut aller plus loin. Tout système social définit un "employeur de dernier ressort", pour ceux qui ne trouvent pas d'emploi. Dans la société de marché, cette responsabilité revient à l'individu. Au Japon, les sous-traitants de grands groupes jouent ce rôle. Nous proposons que cette mission soit confiée à une agence dans chacun de nos 350 bassins d'emploi, qui aurait autorité sur le service public de l'emploi, et contractualiserait avec les chômeurs. Elle pourrait déléguer cette responsabilité à des structures d'accompagnement vers l'emploi productif : entreprises partenaires, groupements d'employeurs, structures d'aide à la création d'activité, centres d'aide pour handicapés... Cette réforme remplacerait la moitié des dépenses actuelles pour l'emploi. Son surcoût, environ 2% du PIB, équivaut au coût des baisses d'impôt promises par l'actuelle majorité. Elle pose une question simple : la France veut-elle réduire son chômage et réduire ses impôts ensuite, ou risquer de n'avoir aucun des deux, faute d'avoir contenu ses déficits sociaux ?

mercredi, janvier 18, 2006

Créer et répartir, le livre

Le livre "L'Homme et le Marché" publié par Plon et la Fondation Jean Jaures est disponible depuis fin janvier en librairie et sur les libraires en ligne.

Vous pouvez l'acheter ici en cliquant sur le lien situé à droite.